Conseil de l'Europe et Convention européenne des droits de l'homme

La médiation familiale, une nouvelle exigence fondée sur l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme

CEDH, deuxième section, 6 décembre 2011, affaire cengiz Kiliç c. Turquie, requête n° 16192/06.

L’arrêt du 6 décembre 2011 offre à la Cour européenne l'occasion de poser de nouvelles exigences procédurales, en matière de droit au respect de la vie familiale, tirées de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

 La Cour confrontée au problème récurent du non-respect du droit de visite d'un parent, condamne la Turquie, pour violation de l'article 8, lui reprochant de ne pas avoir organiser un recours à la médiation familiale. L'absence de médiation familiale dans le système judiciaire révélerait que tous les moyens permettant d'assurer le droit au respect de la vie familiale n'ont pas été mis en œuvre. Ainsi, la médiation familiale deviendrait un moyen obligatoire pour garantir le droit au respect de la vie familiale.

 Dans la présente affaire, un père dénonce en justice, à dix reprises, l'impossibilité d'exécuter son droit de visite et formule à chaque fois, des demandes judiciaires, tendant à assurer le maintien effectif des relations personnelles parents-enfants, conformément au droit commun de l’exécution. Malgré ces demandes incessantes, il ressort des faits, que Monsieur a été privé de toute relation avec son fils pendant deux ans et qu'aucune tentative de conciliation ou de résolution pacifique des conflits parentaux n'a été effectuée.

 La décision rendue par la Cour européenne vient s’inscrire, pour partie, dans sa jurisprudence  constante, tout en posant une nouvelle exigence procédurale. Cette décision rappelle, en effet, que le parent privé de la garde ou de l'autorité parentale, se voit reconnaître par la Cour, un droit de rendre visite ou d'entretenir des contacts avec son enfant[1]. Dès lors, les États doivent favoriser l'effectivité de ce droit en prenant des mesures propres à l'exécution[2]. Cela étant, la Cour estime que le recours à l'exécution forcée du droit de visite doit être exclu en vertu de l’intérêt de l'enfant[3]. Toutefois, le refus de recourir à l'exécution forcée n’empêche pas les autorités publiques de prendre des sanctions à l'endroit du parent récalcitrant[4].

 La nouveauté de cet arrêt réside dans l'obligation pour les États de se doter de la médiation familiale. La Cour justifie cette exigence par le fait que le temps est déterminant dans la relation parents-enfants et que cette voie participe à un apaisement des rapports familiaux. Dès  lors, les autorités étatiques doivent agir avec célérité afin de normaliser les rapports parentaux par la voie de la médiation familiale. Il est, en effet, recommandé de résoudre de manière pacifique les conflits des parents qui ne sont pas dénués d'effets sur les enfants. Par conséquent, les États doivent offrir aux justifiables des voies de médiation à côtés des recours du droit commun de l'exécution. Ces derniers n'étant pas adaptés à la résolution des conflits familiaux notamment pour l'exécution du droit de visite. Dès lors, la médiation familiale devient une obligation positive des États alors qu'elle n'était jusqu’à présent qu'une simple recommandation[5] laissée à leur libre disposition.

 En imposant aux États de se doter de la médiation familiale, la Cour opère un contrôle plus poussé de l'organisation judiciaire des États. De plus, alors que les États étaient libres dans le choix des moyens garantissant l'effectivité du droit au respect de la vie familiale, la cour restreint cette liberté, en imposant des moyens déterminés pour y parvenir tels la médiation familiale. La Cour ne s’attachait qu'à l'effectivité du droit au respect de la vie familiale alors que, désormais, elle impose des moyens déterminés. Dès lors, les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme présentent un caractère plus contraignant à l'égard des États membres, leur laissant une marge de manœuvre réduite dans la mise en place des moyens assurant ce droit et leur imposant une organisation judiciaire précise. La médiation familiale serait un moyen privilégié de résolution des conflits familiaux auquel les États doivent faire appel. Ce passage de l'exigence de résultat à celle de moyen révèle une position plus directive de la Cour à l 'égard des États membres. Il est donc vivement conseillé à ces derniers de se doter de  médiation familiale et d'en faire un mode privilégié de résolution des conflits familiaux afin d'éviter une condamnation de la Cour européenne. D'autant que la République Tchèque[6] a été également condamnée, dans un arrêt récent, pour ne pas avoir usé de la médiation familiale. La France semble toutefois à l'abri d'une telle condamnation puisque  le système judiciaire français, devançant les exigences européennes, s'est déjà doté de recours de médiation familiale. De plus, la France semble s'inscrire dans ce mouvement de généralisation et promotion de la médiation familiale en tant que mode alternatif de résolution des conflits à travers la loi du 13 décembre 2011. Cette dernière instaure, en effet, un système expérimental de médiation  obligatoire et systématique pour toute modification des modalités d'exercice de l'autorité parentale.

Notes de bas de page