Conseil de l'Europe et Convention européenne des droits de l'homme

La notion de « membre de la famille » : une notion à géométrie variable favorable à la reconnaissance des droits des couples homosexuels

CEDH, 1ère section, 30 juin 2016, Taddeucci et McCall c. Italie, Req. n° 51362/09.

Par le présent arrêt où elle conclut, par six voix contre une, à la violation de la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après « la Convention »), la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après « la Cour ») revient sur la définition de la notion de « membre de la famille ».

Roberto Taddeucci, ressortissant italien, et Douglas McCall, ressortissant néo-zélandais, forment un couple homosexuel. En raison de la précarité de l’état de santé de M. Taddeucci, ils décidèrent de quitter la Nouvelle-Zélande où ils résidaient avec le statut de couple non marié et de rejoindre l’Italie. Bénéficiaire d’une carte de séjour temporaire pour étudiant, M. McCall demanda l’octroi d’un permis de séjour pour raison familiale, mais sa demande fut rejetée par les autorités italiennes au motif que « les critères prévus par la loi n’étaient pas remplis » (pt. 10).

Pour MM. Taddeucci et McCall, le refus d’octroyer un permis de séjour pour raison familiale revêt une double signification. D’une part, il est une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle contraire à l’article 14 de la Convention relatif à l’interdiction de la discrimination. D’autre part, il est un obstacle au regroupement familial contraire à l’article 8 de la Convention relatif au droit au respect de la vie privée et familiale.

Réitérant la position de son arrêt Schalk et Kopf contre Autriche [1], la Cour juge qu’ « un couple homosexuel cohabitant de facto de manière stable, relevait de la notion de « vie familiale » au même titre que celle d’un couple hétérosexuel se trouvant dans la même situation » (pt. 58). D’une durée de dix-sept ans, la relation de MM. Taddeucci et McCall est marquée par la stabilité de telle sorte qu’ils ont construit une « vie familiale ». Pour autant, la Cour va préciser ce qu’il faut entendre par « membre de la famille ». Si la notion est définie par le droit italien à l’article 29 alinéa premier du décret législatif n° 286 du 25 juillet 1998, elle est interprétée strictement par la Cour de cassation italienne comme ne visant, entre autres, que les époux (pt. 21). Or, la Cour lui préfère une interprétation extensive. Elle considère que le traitement de MM. Taddeucci et McCall d’une façon identique à un couple hétérosexuel ayant décidé de ne pas régulariser sa situation est une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle (pt. 85). Elle fonde son raisonnement sur le fait que les deux situations sont différentes car le couple hétérosexuel peut se marier en Italie tandis que le couple homosexuel ne le peut pas. Il apparaît donc que MM. Taddeucci et McCall sont dans l’impossibilité d’être qualifiés d’ « époux » et donc d’être considérés comme « membres de la famille ».

Inscrit dans la lignée d’autres affaires emblématiques [2], le présent arrêt est un pas supplémentaire sur le chemin de la reconnaissance des droits des LGBTI devant la Cour.

Notes de bas de page

  • CEDH, 1ère sect., 24 juin 2010, Schalk et Kopf contre Autriche, Req. n° 30141/04.
  • Les droits des LGBTI devant la Cour européenne des droits de l’homme : une avancée pas à pas. 22 p.