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Le nouveau "paquet patrimonial" de l'Union européenne est arrivé !!

Règlement (UE) 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux et Règlement (UE) 2016/1104 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matière d'effets patrimoniaux des partenariats enregistrés.

Deux nouveaux opus viennent d’intégrer le concert européen des textes de droit international privé, et compléter le chœur des règlements s’appliquant, en la matière, en droit des personnes et de la famille (Bruxelles II bis, Rome III, règlement « aliments », règlement « successions ») : il s’agit du règlement 2016/1103 du Conseil, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux, et du règlement 2016/1104 du Conseil, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés.

Fruit d’une longue gestation, les deux textes n’ont pu voir le jour, à l’instar du règlement Rome III sur la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, qu’au prix d’une procédure de coopération renforcée, à laquelle la France n’a pas manqué de participer. Si d’aucuns regretteront le recours à une telle procédure impliquant un club restreint d’Etats parmi celui, plus large, de l’ensemble des Etats membres de l’Union, d’autres se réjouiront des apports des deux instruments datés du 24 juin dernier, lesquels, bien qu’entrés en vigueur à ce jour, ne seront applicables dans les Etats participants à la coopération renforcée que pour les époux mariés ou ayant désigné la loi applicable à leur régime matrimonial après le 29 janvier 2019, ainsi qu’aux partenaires qui enregistreront leur partenariat ou désigneront la loi applicable aux effets patrimoniaux de leur partenariat enregistré après la même date.

Il n’est pas possible, en quelques lignes, de présenter exhaustivement des textes de 70 articles chacun, précédés de préambules aux considérants encore plus nombreux. Sans doute les deux règlements ne pouvaient pas présenter que des solutions nouvelles et s’inspirent-ils, dans certains de leurs chapitres, de règles issues de textes antérieurs. Ainsi les dispositions figurant aux chapitres IV des deux textes, relatifs à la reconnaissance, la force exécutoire et l’exécution des décisions, sont-elles issues des prescriptions, en ce domaine, du règlement Bruxelles I refondu. Dans la même veine, les articles consacrés aux actes authentiques et aux transactions judiciaires reprennent des solutions déjà consacrées dans le règlement « successions », et notamment la distinction entre acceptation et force exécutoire des actes authentiques.

L’apport des textes pour les praticiens du droit international privé est plutôt à rechercher dans les règles relatives à la compétence juridictionnelle et à la loi applicable. Sur le premier point, aucun règlement européen, aucune convention internationale, n’avait à ce jour vocation à s’appliquer aux régimes matrimoniaux et aux partenariats enregistrés, laissant aux magistrats français le soin d’apprécier leur compétence sur le fondement des règles ordinaires, fruits de l’extension, sur le plan international, des règles de compétence territoriales internes, voire des règles exorbitantes issues des privilèges de juridictions des articles 14 et 15 du Code civil. Désormais, le chapitre 2 de chacun des nouveaux instruments pose des règles précises et complètes de compétence, de nature à simplifier la tâche des avocats et des magistrats. On appréciera tout particulièrement l’idée consistant à réunir, entre les mains d’un même juge, la compétence en matière de succession et de régime matrimonial lorsque ce dernier est dissous par le décès de l’un des époux –solution reprise dans le règlement « partenariats enregistrés »-, ou bien, procédant de la même logique, la solution donnant compétence au juge du divorce, de la séparation de corps ou de l’annulation du mariage, désigné par le règlement Bruxelles II bis, lorsqu’un litige survient entre les époux, à l’occasion d’une désunion, quant à leur régime matrimonial. Lesdites règles se trouvent au demeurant complétées par d’autres, embrassant notamment l’élection de for, la compétence fondée sur la comparution du défendeur, la compétence de substitution, la compétence subsidiaire, ou encore le forum necessitatis. Bien entendu, les règlements ne manquent pas, non plus, de fixer des règles de procédure, désormais classiques, relatives à la saisine de la juridiction, la litispendance, la vérification de compétence ou la connexité.

Les textes s’avèrent également novateurs sur le terrain des conflits de lois, où le règlement « régimes matrimoniaux » remplacera, pour les époux mariés après le 29 janvier 2019, la Convention de La Haye du 14 mars 1978, et le règlement « partenariats enregistrés », pour les partenariats enregistrés après le 29 janvier 2019, l’actuel article 515-7-1 du Code civil. Plus avant, en ce qui concerne la loi applicable au régime matrimonial, plusieurs innovations sont à souligner. Tout d’abord, le règlement, bien que s’inspirant de la convention précitée, entré en vigueur le 1er septembre 1992, s’en démarque en posant pour principe de base l’unité de la loi applicable ; feu donc le dépeçage de la loi applicable permettant aux spécialistes de la gestion de patrimoine de proposer des solutions « sur-mesures » à leurs clients. Ensuite, le règlement exclut toute possibilité de mutabilité automatique de la loi applicable au régime matrimonial, véritable talon d’Achille de la vénérable Convention de La Haye. On regrettera en revanche l’insertion d’une clause d’exception, dans le cadre des critères de rattachements objectifs, qui constituera sans doute une source d’insécurité juridique. S’agissant enfin du règlement « partenariats enregistrés », après les inquiétudes légitimes suscitées par la proposition de règlement publiée le 16 mars 2011, les tenants du respect de l’autonomie de la volonté peuvent être rassurés à la lecture du texte définitif, puisque celui-ci permet aux partenaires, ou aux futurs partenaires, de désigner ou de modifier, dans certaines limites, la loi applicable aux effets patrimoniaux de leur partenariat enregistré, ou même d’en changer. Sage mesure pour une institution dont la qualification contractuelle a parfois été mise en avant par certains auteurs.