Relations extérieures de l'Union

Décision politique et principe d’attribution des compétences : De l’art de déterminer celui qui peut donner une parole non contraignante

CJUE, gde chbre, 28 juillet 2016, Conseil de l’Union européenne c. Commission européenne, Aff. C-660/13.

Le « cas suisse » offre à la Cour de justice de l’Union européenne, réunie en grande chambre, l’occasion d’apporter des précisions sur une question importante pour les relations extérieures de l’Union. Etaient plus particulièrement en cause les compétences respectives du Conseil et de la Commission pour signer un accord... dont il est unanimement admis qu’il n’a aucune valeur juridique contraignante !

I. Comment en est-on arrivé là ?

A. Le cadre général des relations entre l’Union et la Suisse

À la suite du rejet par la Confédération suisse de l’accord sur l’EEE, en décembre 1992, les négociateurs suisses et européens ont cherché à établir une nouvelle voie permettant d’associer la Suisse au marché intérieur, selon des modalités matérielles et institutionnelles qui restent en-deçà du niveau d’intégration atteint dans le cadre de l’EEE rejeté par le peuple et les cantons suisses. La Confédération et l’Union (à l’époque Communauté) ont ainsi conclu en 1999 une première série de sept accords sectoriels, dont un accord de libre circulation des personnes (ALCP), accord mixte auquel les Etats membres sont également parties contractantes. Cet accord se fonde sur de nombreuses dispositions du droit de l’Union, mais les libertés et droits garantis sont moindres que ceux posés par l’accord EEE. Cette caractéristique explique que, contrairement aux autres Etats de l’AELE associés au marché intérieur dans le cadre de l’EEE, l’ALCP n’a pas prévu de contribution de la Suisse à la cohésion économique et sociale de l’Union.

Cependant, dans la perspective de son élargissement en 2004, l’Union européenne a souhaité que l’ALCP soit modifié afin d’être étendu aux dix futurs Etats membres, et qu’un accord prévoie désormais une participation financière de la Suisse à la cohésion économique et sociale dans une Union élargie, « d’une manière comparable à la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein » [1]. Les négociations confiées par le Conseil et les représentants des Etats membres à la Commission devaient être menées en consultation avec le groupe de travail Association européenne de libre-échange (AELE). Le Protocole d’extension de l’ALCP est conclu en 2004, en même temps qu’une nouvelle série de neuf accords sectoriels. Cependant, s’agissant de sa contribution financière à la cohésion, la Suisse a annoncé qu’elle ne souhaitait pas être liée par un accord contraignant. C’est donc un simple « memorandum d’entente » qui est signé en 2006 (le MdE de 2006 [2]). Il fixe un certain nombre de lignes directrices, dont le montant envisagé de la contribution de la Suisse [3], et comporte en annexe une « Description générale du contenu des accords-cadres entre la Suisse et les nouveaux États membres de l’UE ». Ce memorandum avait alors été signé par le représentant du Conseil fédéral suisse, le président du Conseil ainsi que la Commission, mais seuls le Conseil fédéral suisse et le Conseil de l’UE étaient visés en préambule comme les auteurs des lignes directrices [4].

Une logique similaire est reprise lors de l’élargissement suivant à la Bulgarie et la Roumanie, sous la forme cette fois-ci d’un « addendum » au MdE de 2006, signé en 2008 par un conseiller fédéral suisse, le président du Conseil ainsi que la Commission.

La technique semblait alors bien rôdée, et l’addendum lié à l’adhésion de la Croatie aurait dû être « convenu » sans difficulté particulière. A l’initiative du Conseil, il entraine cependant la formation d’un contentieux devant la Cour, dont l’importance semble justifier qu’il soit soumis à la grande chambre.

B. La « décision » litigieuse

Comme dans les précédentes hypothèses, les conclusions adoptées en décembre 2012 par le Conseil et les représentants des gouvernements des États membres ont invité la Commission, en étroite coopération avec la présidence du Conseil, à engager les discussions nécessaires avec la Suisse et à consulter régulièrement le groupe de travail AELE sur l’avancée des discussions.

Mais cette fois, et le même jour, la Commission a fait une déclaration, inscrite au procès-verbal de la réunion du Comité des représentants permanents (Coreper), exprimant son avis selon lequel lesdites conclusions constitueraient une décision politique au sens de l’article 16 TUE, lequel confère au Conseil le pouvoir de définir les politiques de l’Union, de sorte que ces conclusions devraient être comprises comme une décision politique du Conseil et non pas des États membres.

Or, une fois les négociations achevées [5], sans solliciter l’autorisation préalable des Etats membres ni même du Conseil, la Commission adopte, le 3 octobre 2013, la décision litigieuse approuvant l’addendum de 2013 et autorisant le vice-président chargé des relations extérieures (c’est-à-dire le haut représentant de l’Union) et le commissaire chargé de la politique régionale à signer l’acte au nom de l’Union. Ces derniers apposent leur signature le 7 novembre 2013, malgré l’opposition du Conseil et des Etats membres [6], qui considéraient que l’addendum devait également être signé par le Conseil. Faisant suite à l’addendum, la Suisse et la Croatie adoptent, en juin 2015, un accord-cadre bilatéral.

Le Conseil, appuyé par neuf Etats membres, demande ainsi à la Cour, dans l’arrêt sous examen, d’annuler la décision litigieuse, mais d’en maintenir les effets jusqu’à ce qu’elle soit remplacée. Il considère que la décision de la Commission approuvant et autorisant la signature de l’addendum, sans autorisation préalable du Conseil, méconnaît les principes d’attribution des compétences, d’équilibre institutionnel et de coopération loyale, énoncés à l’article 13 TUE. Si l’arrêt invite la Cour à se prononcer sur la question de la compétence entre les institutions, l’affaire soulevait de nombreux autres points de contentieux.

II. Les points laissés en suspens

A. Un arrêt laissant de côté de nombreuses interrogations sur le plan contentieux

Plusieurs questions essentielles dans cette affaire n’ont pas été soulevées. Elles traduisent la variété des interventions de l’Union dans le domaine des relations extérieures, et la tendance à une intervention hybride du Conseil et des Etats membres, au détriment de la séparation des compétences entre une institution de l’Union, et les représentants des gouvernements Etats membres, fussent-ils réunis au sein du Conseil.

Un premier type de questions concerne le caractère non-contraignant de l’addendum au memorandum d’entente avec la Suisse. Aucune partie n’a mis en cause la recevabilité d’un recours contre un acte approuvant un accord non-contraignant (voir, infra, B), ni même, la possibilité pour l’Union, de devenir partie à un accord non contraignant. Ce caractère non-contraignant semble en outre expliquer, sans nécessairement le justifier, le fait que ne soit pas soulevée la question de la compétence matérielle de l’Union dans le domaine couvert par cet acte, fusse-t-il non-contraignant au regard du droit international. On soulignera cependant que, du point de vue des relations Suisse-UE, la Suisse ne participe pas directement à la politique de cohésion de l’Union : sa contribution financière est versée directement à l’Etat membre bénéficiaire, dans le cadre des projets approuvés selon des accords bilatéraux. Néanmoins, plus que la compétence de l’Union qui semblait être admise, celle de la nature exclusive ou partagée de cette compétence n’est pas étayée, alors même que c’est ce point qui a déclenché la « nouvelle approche de la Commission » à l’égard de l’addendum de 2013.

Il s’agit là d’un second type de questions laissées en suspens, relatif au cadre des relations entre l’Union (et ses institutions) d’une part, et ses Etats membres d’autre part. Il faut dire que la situation à l’origine du litige n’est à cet égard pas dépourvue d’ambiguïtés : lorsque les conclusions de 2012 sont adoptées, la Commission mettait en cause, dans sa déclaration, la capacité des Etats membres à se prononcer sur ce qui constituait selon elle une décision au sens de l’article 16 TUE, relevant de la compétence du Conseil et non des Etats membres. Pourtant, c’est bien la signature du Conseil que la Commission évite, en décidant de signer seule l’addendum. Ainsi, et dans l’arrêt, la décision litigieuse n’est pas examinée au regard de la nature partagée ou exclusive de la compétence supposée de l’Union. De même, la Cour n’est pas saisie de la question de la validité des conclusions de 2012 adoptées par le Conseil et les représentants des gouvernements des Etats membres réunis au sein du Conseil (traitée dans l’affaire CJUE, gde ch., 28 avril 2015, Commission c. Conseil, aff. C-28/12), ni de l’utilisation d’acte hybride comme mandat de négociation à la Commission (pts 76 et s. des conclusions).

B. La recevabilité du recours contre un acte visant un accord non-contraignant

De manière assez surprenante, la recevabilité du recours n’a suscité aucune objection de la Commission, alors même que celle-ci retient le caractère non-contraignant de la décision litigieuse dans son argumentation sur le fond du litige [7]. Bien qu’elle puisse être soulevée d’office, cette question n’est pas davantage développée dans l’arrêt de la Cour. Pourtant, celle-ci n’avait rien d’une évidence dans la mesure où le contrôle de légalité ouvert par l’article 263 TFUE vise « les actes législatifs, les actes du Conseil, de la Commission et de la Banque centrale européenne, autres que les recommandations et les avis, et des actes du Parlement européen et du Conseil européen destinés à produire des effets juridiques à l'égard des tiers ».

Or, comme le relève l’avocat général Eleanor Sharpston, l’addendum visé par la « décision » litigieuse ne constitue pas un accord international ayant force obligatoire, au sens de l’article 218 TFUE (pts 65 et s. des conclusions). Cependant, l’acte par lequel une institution de l’Union exprime son acceptation sur un accord, même dépourvu d’effet contraignant, peut être considéré comme produisant des effets de droit au sens de l’article 263 TFUE (pt 69 des conclusions).

Les méthodes retenues pour apprécier cette condition sont diverses [8], et semblent à certains égards subordonner l’appréciation de la recevabilité à celle du bien-fondé du défaut de compétence. Cependant, l’avocat général met l’accent sur les effets de la décision litigieuse, d’abord sur le cadre des relations avec la Suisse, ensuite sur les rapports entre institutions et Etats au sein de l’Union.

D’une part, l’avocat général relève que l’addendum de 2013 « s’inscrivait dans le cadre » plus large de négociations entre l’Union européenne devant aboutir à la conclusion « d’accords sectoriels contraignants ». Cet addendum « définissait les paramètres » en vue de la conclusion « d’accords bilatéraux contraignants » entre la Suisse et l’Etat membre bénéficiaire de la contribution à la cohésion. Sur le « fondement de cet addendum », la Suisse, a entamé « un processus parlementaire » relatif à « un accord contraignant avec un nouvel Etat membre de l’Union ». Par conséquent, à la suite de la signature que la Commission a autorisée, l’Union s’est trouvée « liée par toutes les conséquences que le droit international est susceptible d’attacher à cette signature et aux relations entre les parties à un accord non contraignant » (pt 70).

D’autre part, cette décision a également produit des effets de droit à l’égard des autres institutions et des Etats membres, dans la mesure où, quelle que fût l’institution compétente pour exprimer l’accord de l’Union, c’est bien cette dernière qui était compétente pour signer l’addendum. Dès lors, la « nécessité de garantir l’unité de la représentation extérieure de l’Union et le principe de coopération loyale y afférent [...] imposait aux institutions de l’Union et aux ÉM de coopérer pour atteindre les objectifs de l’Union, de s’abstenir de compromettre une telle action et de veiller à la cohérence entre les différentes politiques de l’Union » (pt 71).

Validant implicitement la conclusion de l’avocat général selon laquelle le recours est formé contre un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE, la Cour examine directement au fond les moyens soulevés.

III. La violation par la Commission du principe d’attribution des compétences et d’équilibre institutionnel

Tout l’enjeu était alors de savoir si les conclusions de 2012 constituaient pour la Commission un mandat de négociation (comparable à ceux utilisés pour les traités internationaux de l’Union), et si oui de déterminer la portée de ce mandat : ces conclusions impliquaient-elles, à l’issue des discussions avec la Suisse, une autorisation de signature de la part du Conseil ?

La Commission avait, dans son procès-verbal annexé à la réunion du Coreper, mis en doute le rôle des gouvernements des Etats membres dans les conclusions de 2012. Mais elle ne contestait pas le fait qu’il appartenait au Conseil de décider d’entamer des négociations avec la Suisse pour obtenir un accord sur une contribution financière pour la Croatie. Elle avait même considéré que cette décision supposait de définir une politique au sens de l’article 16 TUE. Mais selon la Commission, la signature d’un accord non contraignant constitue un acte de représentation extérieure de l’Union, qui relève de sa compétence, au sens de l’article 17, paragraphe 1, TUE, pour autant que cet accord non contraignant reflète une position ou une politique de l’Union déjà établie par le Conseil. Dès lors, la signature d’un tel instrument non contraignant ne nécessiterait pas l’autorisation préalable du Conseil.

La Cour ne partage pas ce raisonnement. Selon elle, la décision portant signature d’un accord avec un pays tiers relevant d’un domaine de compétences de l’Union, « que cet accord soit contraignant ou non », implique d’apprécier les intérêts de l’Union dans le cadre des relations avec le pays tiers concerné et d’opérer des arbitrages entre les intérêts divergents relevant de ces relations. Cette appréciation se fait « dans le respect [...] des objectifs de l’action extérieure de l’Union énoncés à l’article 21, paragraphes 1 et 2, TUE » (pt 39). Dès lors, la décision de signer un accord non contraignant, tel que l’addendum de 2013, constitue (aussi) une décision définissant les politiques et l’action extérieure de l’Union au sens de l’article 16 TUE.

Ce constat n’est pas remis en cause par le fait que le Conseil se serait déjà livré à une appréciation des intérêts de l’Union lors de l’adoption des conclusions de 2012 (pt 41). En effet, la signature d’un accord non-contraignant implique l’appréciation, de la part de l’Union, de la question de savoir si cet accord correspond toujours à son intérêt, tel que défini par le Conseil. Sans même chercher à savoir si l’addendum correspondait aux conclusions de 2012 – ce que l’avocat général mettait en cause [9] – pour la Cour, « le seul fait que le contenu d’un accord non contraignant négocié par la Commission avec un pays tiers corresponde au mandat de négociation donné par le Conseil ne saurait suffire pour investir la Commission du pouvoir de signer un tel acte non contraignant sans l’autorisation préalable du Conseil, au motif qu’elle serait couverte par une position préétablie par ce dernier » (pt 43).

Ce constat n’est pas davantage remis en cause par le contenu particulier de l’addendum, dont le montant financier était subordonné à une approbation du Parlement et les modalités concrètes renvoyées à un accord ultérieur entre la Suisse et la Croatie. Pour la Cour, le montant de la contribution suisse visée par l’addendum, et la durée d’engagement des crédits, constituent « des aspects essentiels de la définition de la politique de l’Union dans le contexte de l’adaptation de la contribution financière suisse en raison de l’accès de la Confédération suisse à un marché intérieur élargi » (pt. 45).

Ainsi, en signant l’addendum de 2013 au nom de l’Union, sans autorisation préalable du Conseil, la Commission a violé le principe d’attribution des compétences, ainsi que le principe de l’équilibre institutionnel (pt 46), la Cour n’examinant pas le second moyen relatif au principe de coopération loyale. La décision de la Commission est ainsi annulée, mais ses effets sont provisoirement maintenus par la Cour.

IV. Le maintien des effets d’une décision signant un accord non-contraignant

Conformément à l’article 264, second alinéa, du TFUE, la Cour était invitée par le Conseil, dans le cas où elle annulerait la décision de la Commission, à maintenir les effets de la décision de la Commission jusqu’à ce que soit adoptée une nouvelle décision.

Or, le maintien dans le temps des effets de cet acte revêt une acuité particulière dans le contexte de l’affaire : il s’agissait d’un acte dont il n’était même pas évident qu’il produisait « des effets de droit » au sens de l’article 263 TFUE, dans la mesure où il porte sur un accord considéré comme non contraignant juridiquement [10].

Les conditions de mise en œuvre de ce pouvoir sont au demeurant assez strictes. Certes, la première était vérifiée sans difficulté : l’illégalité de l’acte attaqué résulte non pas en raison de sa finalité ou de son contenu, mais des motifs d’incompétence de son auteur. En revanche, la seconde était moins évidente : les effets d’un acte ne sont maintenus que dans l’hypothèse où, « eu égard à des motifs ayant trait à la sécurité juridique, [...] les effets immédiats de son annulation entraîneraient des conséquences négatives graves pour les personnes concernées » [11]. Or, la Cour se contente de relever que la décision attaquée « a rendu possible la signature de l’addendum de 2013 » (pt 52) - lequel n’a aucune valeur contraignante – et « l’engagement politique » de la Suisse contenu dans cet addendum. La sécurité juridique était d’autant moins évidente que l’addendum fixe simplement des lignes directrices pour de futures négociations, un véritable accord – juridiquement contraignant celui-ci – ayant été convenu le 30 juin 2015 entre la Suisse et la Croatie. Mais selon la Cour : « L’annulation de la décision attaquée sans que ses effets soient maintenus pourrait engendrer des conséquences négatives graves pour les relations de l’Union avec la Confédération suisse ». L’argumentation reste peu circonstanciée, mais la solution a le mérite d’offrir un peu de simplicité, à une relation qui s’est complexifiée depuis 2014.

Conclusion

En ne s’arrêtant pas aux considérations relatives au caractère non-contraignant de l’addendum, et en maintenant dans le temps les effets de la décision attaquée de la Commission, l’arrêt de la Cour a l’avantage de ne pas rendre plus complexe le cadre général des relations Suisse-UE, particulièrement sensible depuis le résultat du referendum « Contre l’immigration de masse », tenu en Suisse en février 2014. En effet, à cette période, la Suisse et l’Union européenne discutaient, voire négociaient formellement, sur plusieurs questions essentielles de part et d’autre : sur des questions dites institutionnelles destinées à structurer la relation dans l’optique d’une application plus homogène du droit, sur la reconduction de la participation de la Suisse à différents programmes de l’Union (en matière d’enseignement supérieur et de recherche scientifique et technologique), et sur l’extension de l’ALCP à la Croatie. Or, le referendum suisse, dans la mesure où il insérait dans la Constitution suisse une disposition incompatible avec l’ALCP, avait conduit l’Union à suspendre au moins temporairement, les discussions ou négociations relatives à de nouveaux accords avec la Suisse, cette dernière ayant de son côté annoncé ne plus être en mesure de signer le Protocole d’extension à la Croatie, paraphé en juillet 2013. Mais, la Suisse s’est alors engagée à appliquer unilatéralement les dispositions prévues dans le Protocole en faveur des ressortissants croates, preuve supplémentaire de la singularité de la relation Suisse-UE. Ce n’est que le 4 mars 2016, que le Conseil fédéral a signé le Protocole III, soit postérieurement – et c’est là encore un caractère inédit – à l’addendum visé dans la présente affaire et à l’accord-cadre bilatéral concernant la contribution de la Suisse à la cohésion en faveur de la Croatie. S’agissant des autres points de négociations, l’Union européenne et la Suisse sont parvenues à des dispositions transitoires et partielles en ce qui concerne les programmes européens. Le règlement définitif de ces questions, ainsi que l’aboutissement des négociations institutionnelles mettra en outre à l’épreuve l’habileté des négociateurs, dans un contexte renouvelé par la perspective du « Brexit ».

Notes de bas de page

  • Directives de négociations adressées à la Commission, en annexe des conclusions du Conseil et des représentants des gouvernements des Etats membres d’avril 2003, autorisant la Commission à négocier les adaptations de l’ALCP et un accord concernant une contribution financière à la cohésion économique et sociale.
  • Ce memorandum, ainsi que les adaptations liées aux élargissements suivants de l’UE, désignées sous le vocable d’addenda, sont disponibles sur le site du Département fédéral suisse des affaires étrangères.
  • Un milliard de francs suisses, alloués sur une période de cinq ans courant dès l’approbation du crédit correspondant par le Parlement suisse (pt 1 du MdE). Cette somme correspondait alors à environ 905 millions d’euros.
  • Le préambule est rédigé comme suit :
    « Le président du Conseil de l'Union européenne, et le Conseil fédéral suisse,
    considérant les relations étroites entre l’Union européenne et la Suisse, fondées sur de nombreux accords sectoriels, notamment dans les domaines économique, scientifique et culturel,
    considérant que l’élargissement de l’Union européenne contribue à garantir la paix, la liberté, la stabilité et la prospérité en Europe et que le Conseil fédéral est déterminé à manifester le soutien de la Confédération suisse à cet égard,
    considérant les efforts de l’Union européenne en matière d’assistance extérieure et de pré-adhésion,
    considérant le soutien de la Confédération suisse aux pays d’Europe centrale et orientale,
    ont établi les lignes directrices suivantes: [...] ».
  • A la fin du mois de juillet 2013, la Commission a informé le groupe de travail AELE que les négociations avec la Suisse avaient abouti. L’arrêt de la Cour ne le précise pas, mais les membres du groupe AELE ont alors annoncé qu’ils transmettraient les résultats à leurs capitales respectives pour examen mais le groupe n’a ensuite pas tenu de réunions au mois d’août 2013 (pt 41 des conclusions).
  • Cette opposition s’exprime au départ lors de réunion du groupe de travail AELE, qui décide, le 31 octobre 2013, de présenter au Conseil et aux Etats membres, un projet de conclusions chargeant le président du Conseil de signer également l’addendum de 2013 et précisant que le rôle de la Commission devait être le même que dans le cadre du MdE de 2006 et de l’addendum de 2008. Ces conclusions sont formellement adoptées par le Conseil et les représentants des gouvernements des États membres le 19 novembre 2013, mais entre temps, le 7 novembre 2013, le vice-président de la Commission chargé des relations extérieures et le commissaire chargé de la politique régionale ont signé l’addendum de 2013 au nom de l’Union. Le 9 décembre 2013, le Conseil a adopté une position dans laquelle il exprime son désaccord avec la manière dont la Commission avait agi.
  • Cette incohérence est remarquée par l’avocat général qui souligne : « La Commission a soutenu que la décision litigieuse n’était pas juridiquement contraignante et donc qu’elle ne devait pas indiquer de base juridique (matérielle) ; la mention de l’article 17 TUE suffisait. Si telle était sa position, la Commission aurait logiquement dû demander à la Cour de rejeter le recours du Conseil comme irrecevable, à défaut d’acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE » (pt 77 des conclusions).
  • L’avocat général souligne que la Cour semble avoir utilisé diverses méthodes d’appréciation de leurs effets.
    Elle peut d’abord prendre en compte le contenu de l’acte ou l’intention de son auteur (pt 61). Plus intéressante est la seconde méthode qui consiste à « examiner conjointement la nature de l’acte litigieux et le moyen invoqué » (pt 62). A cet égard, Eleanor Sharpston explique que « Les recours au titre de l’article 263 TFUE peuvent notamment être fondés sur un défaut de compétence. Indépendamment de la question de savoir si l’acte lui-même a des effets juridiques, le fait qu’une institution l’ait adopté alors que les traités habilitaient une autre institution à le faire signifie que l’acte consistant à adopter la décision a des effets juridiques (par l’usurpation des pouvoirs de la seconde institution). Appliquer cette méthode dans la présente affaire signifierait que si la Commission a pris une décision alors que, eu égard au fond des moyens, les traités prévoient que cette décision relevait de la compétence du Conseil, la décision litigieuse de la Commission a des effets juridiques au sens de l’article 263 TFUE » (non souligné dans les conclusions). Ce n’est pourtant pas la méthode que semble avoir suivi l’avocat général, qui considère que l’on peut « parvenir à la même conclusion dans la présente affaire si l’on prend en considération les effets de la décision litigieuse même, y compris son objet ».
  • L’avocat général avait relevé que « le contenu de l’addendum de 2013 ne correspond pas tout à fait à celui des conclusions de 2012. Dans le cadre de la négociation de l’addendum de 2013, la Commission a opéré des choix et pris des décisions » (pt 114 des conclusions).
  • Voir, supra, II B, les remarques relatives à la recevabilité du recours.
  • CJUE, gde chbre, 26 novembre 2014, Parlement européen et Commission européenne c. Conseil de l’Union, Aff. C-103/12 et C-165/12, pt 90.