L’action en répétition de l’indu fondée sur une sanction administrative ne relève pas de la matière civile et commerciale
L’autorité de la concurrence hongroise a condamné Siemens, société autrichienne, à verser une amende équivalent à un demi-millions d’euros, somme réduite ensuite par la juridiction administrative d’appel saisie du recours à environ 87 000 euros. Conformément au droit hongrois, l’autorité de la concurrence a restitué à Siemens le trop-perçu augmenté d’environ 166 000 euros correspondant au montant légal des intérêts échus à la date de la restitution, tout en se pourvoyant en cassation. La Cour suprême hongroise ayant confirmé l’amende initiale, Siemens a à nouveau versé à l’autorité de la concurrence la somme qui lui avait été restituée mais a refusé de rembourser les intérêts perçus sur cette somme.
En conséquence de quoi l’autorité de la concurrence a saisi les juridictions civiles hongroises d’une action en répétition de l’indu, soutenant qu’elle relevait de la « matière quasi-délictuelle » au sens du règlement Bruxelles I, dont l’article 5. 3 permettait alors de fonder la compétence de la juridiction hongroise du lieu du dommage. La société Siemens soutenait quant à elle que l’action quasi-contractuelle ne relevait pas de la « matière quasi-délictuelle » et devait donc se voir appliquer la règle générale de compétence des juridictions du domicile du défendeur de l’article 2. 1 du règlement, en l’occurrence les juridictions autrichiennes. L’exception d’incompétence est accueillie par la juridiction dont la décision fait l’objet d’un appel de la part de l’autorité de la concurrence.
La juridiction d’appel pose à la Cour de justice une question préjudicielle sur le fait de savoir si l’action en répétition de l’indu basée sur une sanction administrative confirmée ex post relève de la « matière quasi-délictuelle » au sens du règlement Bruxelles I (point 26). Pourtant, avant de s’interroger sur le fait de savoir si l’action relève de la « matière quasi-délictuelle », encore faut-il qu’elle relève de la « matière civile et commerciale » (point 27).
La qualification du rapport de droit litigieux, permettant le cas échéant son classement dans la catégorie « matière civile et commerciale », nécessite d’examiner « les éléments qui caractérisent la nature des rapports juridiques entre les parties au litige et l’objet de celui-ci » (point 31 et la jurisprudence citée). À ce propos, si des litiges opposant une autorité publique à une personne privée peuvent relever du champ d’application matériel du règlement, « il en est autrement lorsque l’autorité publique agit dans l’exercice de la puissance publique » (point 32 et la jurisprudence citée). Or l’action en répétition de l’indu est en l’espèce fondée sur une sanction administrative résultant d’une violation du droit de la concurrence (public enforcement). La réparation des violations du droit de la concurrence peut entrer dans le champ ratione materiae du règlement dans le cadre du private enforcement mais « il est en revanche certain, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 34 de ses conclusions, qu’une sanction infligée par une autorité administrative dans l’exercice des pouvoirs réglementaires qui lui sont conférés par la législation nationale relève de la « matière administrative », exclue du champ d’application du règlement » (point 34). En l’espèce, le litige ne porte pas directement sur l’amende infligée à Siemens par l’autorité de la concurrence hongroise mais elle en constitue néanmoins le fait générateur, les doutes relatifs à la légalité de celle-ci ayant conduit à la demande de répétition des sommes indument versées. La notion recevant une interprétation autonome, la compétence des juridictions civiles hongroises pour connaître de l’action est indifférente (point 39). Dès lors, la question de savoir si l’action litigieuse relève de la « matière quasi-délictuelle » n’a pas lieu d’être posée puisqu’elle ne relève déjà pas de la « matière civile et commerciale ». La règlement Bruxelles I bis n’y est donc pas applicable.