Espace de liberté de sécurité et de justice

Sûreté de l'État, secret d'État, divulgation et dissimulation des motifs en matière de terrorisme : la quadrature du cercle enfin résolue ?

CJUE, Gde Chbre, 4 juin 2013, ZZ c/ Secretary of State for the Home Department, Aff. C-300/11.

Les affaires relevant du domaine de la libre circulation des personnes, lorsqu’elles sont combinées à des enjeux de terrorisme, ont souvent un caractère romanesque et/ou tragique. L’arrêt ZZ ne sacrifie pas à cette tradition. Dans l’affaire au principal, le requérant, ressortissant franco-algérien et donc citoyen européen, marié depuis 1990 à une jeune femme britannique – avec laquelle il a eu huit enfants – a obtenu en 2004 un droit de séjour permanent en Grande Bretagne conformément aux prescriptions du chapitre IV de la directive 2004/38[1]. Peu après un séjour algérien en août 2005, le ministre de l’intérieur britannique lui a retiré son droit de séjour et lui a interdit l’accès au territoire national. Cet ensemble de décisions a conduit à son refoulement et c’est cette dernière décision qui a fait l’objet d’un recours devant le juge national. Il s’est avéré, en effet, que le requérant était lié au Groupe islamiste armé (GIA) et à des activités terroristes en 1995 et 1996. Ce n’est sans doute pas pour ces actes déjà anciens et connus, que ce dernier a été refoulé mais pour des actes nouveaux dont il n’est fait état ni dans l’arrêt de la Cour de justice, ni dans celui de la commission des recours britannique – la SIAC[2] –, et qui n’ont jamais été portés à la connaissance de M. ZZ. Le gouvernement arguait, en effet, que les informations essentielles justifiant la décision litigieuse étaient couvertes par le secret attaché à la sûreté de l’État tels qu’il figure à l’article 30, paragraphe 2, de la directive 2004/38[3].

Les éléments qui ont conduit le juge national à poser une question préjudicielle font suite à cette situation contentieuse particulière et à la procédure, originale, devant la SIAC. Il était demandé à la Cour de se prononcer sur le point de savoir s’il était possible et, notamment, conforme au principe de la protection juridictionnelle effective, pour les pouvoirs publics, de ne pas communiquer au requérant la substance des motifs qui les ont conduit à refuser l’accès au territoire pour « des raisons relevant de la sûreté de l’État »[4].

La Cour de justice, après avoir écarté les moyens d’irrecevabilité et reformulé quelque peu la question posée, a donné une solution équilibrée et, à tout le moins, bien plus équilibrée que celle préconisée par l’avocat général. Si la Cour valide le principe de la pondération de l’obligation de communication des motifs fondant la décision de refoulement avec le respect du droit à recours juridictionnel effectif (II), elle encadre assez strictement les conditions dans lesquelles le juge national devra, bien entendu dans le respect de l’autonomie procédurale, se faufiler dans l’équilibre des contraintes entre recours effectif et protection du secret s’attachant à la sécurité nationale. Elle estime, en effet, qu’il convient de distinguer entre ce qui relève de la substance des motifs fondant la décision et qui doivent faire l’objet d’une communication, des éléments de preuve qui peuvent bénéficier d’une dissimulation totale (III). On précèdera toutefois cette analyse, par quelques libres propos sur les observations liminaires de l’avocat général (I).

I. Libres propos sur les observations liminaires de l’avocat général

Il est fréquent que les avocats généraux, avant d’étudier dans le détail le droit pertinent et de proposer leur analyse juridique, débutent leurs conclusions par des « observations liminaires » qui sont généralement un bon moyen de restituer les enjeux de l’affaire dont ils sont saisis. Ceci fournit l’occasion d’introduire leurs conclusions, et, pour le lecteur, de mieux s’imprégner du litige et des faits pertinents, notamment lorsqu’il s’agit de questions préjudicielles. C’est ainsi que, dans ses observations liminaires sur l’affaire ZZ, l’avocat général Yves Bot aurait pu se contenter de rappeler simplement les enjeux de l’espèce au principal. C’est, du reste, ce qu’il semble faire lorsqu’il écrit que la présente affaire « ne peut faire abstraction de la nature particulière d’une activité criminelle comme le terrorisme ainsi que de celle que présente la lutte contre ce fléau »[5]. En réalité, l’avocat général a choisi cet espace de liberté que constituent les « observations liminaires » pour présenter l’état de ses réflexions à propos du terrorisme. Il débute par une définition du terrorisme qui ne se rattache à aucune autre[6]. Le terrorisme serait « une activité criminelle d’inspiration totalitaire niant le principe de liberté individuelle et dont le but est de s’emparer dans une société donnée des pouvoirs politique, économique et judiciaire afin d’y implanter l’idéologie qui la sous-tend »[7]. Il y aurait donc, chez le terroriste, une « philosophie de la terreur, car la terreur devient une fin en soi »[8] et qui est d’une violence extrême afin de délibérément choquer la population. Dès lors, de tels agissements « impose[nt] aux pouvoirs publics de développer tous les moyens de prévention envisageables » et de savoir s’adapter aux mutations sensibles et rapides des mouvements terroristes car « la réalité et l’intensité du risque peuvent fluctuer au rythme des changements des conditions géopolitiques du monde ».

La teneur générale des propos, très peu juridiques, est éminemment favorable à une action énergique des pouvoirs publics dans leur lutte contre le terrorisme. Certes, il tempère cette approche en ajoutant que « dans une société démocratique, faire bénéficier des garanties de l’État de droit [à] ceux-là même qui le combattent est rigoureusement indispensable pour assurer la primauté absolue des valeurs de la démocratie ». Il n’en demeure pas moins qu’à la lecture de ces observations liminaires, on ne peut s’empêcher de croire que l’avocat général avait une idée très précise du sens de ses conclusions avant même d’avoir discuté l’ensemble des arguments soulevés. Ceci est regrettable dans la mesure où de telles observations altèrent  la puissance de conviction dont font généralement preuve les conclusions des avocats généraux. Peut-être aurait-il mieux valu être moins emphatique et surtout, éviter de s’y référer à nouveau lors de conclusions ultérieures[9].

II. La pondération de l’obligation de divulgation

Les droits européens, qu’il s’agisse du droit de la Convention EDH (A) ou de l’Union européenne (B), ont tous prévu – ou accepté – une modération de l’obligation de communication des informations aux personnes en matière d’immigration lorsque celle-ci est motivée par des raisons impliquant la sécurité nationale.

A. Pondération de l’obligation de divulgation et droit de la Convention EDH

Le contentieux, nourri, des étrangers dans le cadre d’affaires terroriste a conduit la Cour EDH à se prononcer à de nombreuses reprises sur ces questions. La panoplie des garanties apportées par le système conventionnel est d’ailleurs conséquente. Parmi les dispositions les plus souvent invoquées, on citera l’article 5, l’article 6, paragraphe 1, l’article 8, l’article 13 ou encore l’article 14. A ces stipulations, des plus classiques, s’ajoutent celles du protocole n°4 qui portent sur les libertés de circulation et des garanties supplémentaires en matière d’expulsions[10], ou du protocole n° 7 qui ajoute des garanties procédurales en matière d’expulsion d’étrangers[11]. La réserve d’ordre public constitue le « fil rouge » de l’ensemble de ces textes, explicitement ou implicitement. Elle y figure explicitement dans le protocole n°4 où l’exercice des droits à la libre circulation ne peut faire l’objet de restrictions que si, notamment, elles sont justifiées par les exigences de « sécurité nationale », de « sûreté publique », ou de « maintien de l’ordre public ». De même, l’article 1, paragraphe 2 du protocole n° 7 prévoit qu’« un étranger peut être expulsé avant l’exercice des droits énumérés au paragraphe 1.a, b et c de cet article lorsque cette expulsion est nécessaire dans l’intérêt de l’ordre public ou est basée sur des motifs de sécurité nationale ». Elle y figure implicitement pour le reste des dispositions conventionnelles et en application de la jurisprudence de la Cour. Ainsi, par exemple, sur le fondement de l’article 13 en relation avec l’article 8, une expulsion motivée par des considérations tirées de la lutte contre le terrorisme, la Cour a jugé que si les exigences de sécurité nationales peuvent justifier certaines restrictions aux droits procéduraux[12], l’instance juridictionnelle compétente doit cependant offrir les garanties procédurales adéquates et notamment la communication des motifs justifiant son expulsion, même si ces raisons ne sont pas accessibles au public[13].

Un arrêt de la Cour EDH paraît d’ailleurs intéressant en relation avec l’affaire ZZ. Il s’agit de l’arrêt A et autres c/ Royaume-Uni[14]. Dans cette espèce, outre la question du recours à la clause dérogatoire de l’article 15 Convention EDH, était en cause une mesure d’expulsion prises à l’encontre d’étrangers sur le fondement de la législation antiterroriste britannique qui avait été contestée devant la SIAC. Le requérant au principal, dans l’affaire ZZ, estimait que l’on pouvait déduire de cet arrêt l’obligation pour l’État de  communiquer la substance des motifs, y compris lorsque ceux-ci touchaient à la sécurité de l’État. L’avocat général Yves Bot a rejeté pareille interprétation. Il a considéré, non sans raisons, que l’arrêt A et autres traitait des « exigences nécessaires au respect de l’article 5, paragraphe 4 de la CEDH en matière de détention des étrangers soupçonnés de terrorisme »[15]. On ajoutera que dans l’arrêt A et autres, était également invoqué l’article 5, paragraphe 1, sous f), qui est lui-même relatif à la détention des étrangers. Dès lors, il conviendrait, selon l’avocat général de prendre en considération ce « contexte procédural » spécifique : l’obligation de communication des motifs serait plus impérieuse dans une situation où il y a eu privation de liberté[16] que, comme dans l’affaire ZZ, où le requérant n’a simplement pas pu pénétrer sur le territoire d’un État dont il n’a pas la nationalité. Yves Bot reconnaît d’ailleurs que « si l’on appréhendait le litige au principal au regard des exigences ainsi fixées par la CEDH dans le cadre de l’article 5, paragraphe 4, de celle-ci, il serait difficile de conclure au caractère équitable de la procédure »[17], le requérant n’ayant eu communication que d’informations non essentielles[18]. Ceci paraît d’autant plus cohérent que l’article 5, paragraphe 4 constitue une lex specialis par rapport aux exigences de l’article 13[19]. Ces mesures restrictives de libertés, ces « controls orders » pour reprendre la formule utilisée par l’avocat général, qui peuvent aller jusqu’à la détention, ne peuvent donc pas a priori être comparées avec une décision de refoulement prise sur le fondement de la directive 2004/38[20]. Qu’il soit toutefois permis de relativiser la spécificité dudit« contexte procédural » avancée par l’avocat général. S’il est vrai qu’un simple mesure d’éloignement est très différente d’une détention en vue de procéder à une expulsion par exemple, il en va autrement d’un « control order » qui se limiterait à une restriction de mouvements ou une interdiction de se déplacer sur une partie délimitée du territoire national. Dans ce cas, la mesure en cause, motivée par la lutte contre le terrorisme, serait-elle fondamentalement distincte de l’attitude d’un État qui consiste à interdire l’accès à son territoire à un individu qui avait obtenu le statut de résident permanent en application de la directive 2004/38 ? Cela n’est pas certain et la Cour de justice, sans qu’elle ait jugé nécessaire de se référer longuement à la jurisprudence de la Cour EDH, n’a pas suivi son avocat[21].

B. Pondération de l’obligation de divulgation et droit de l’Union européenne

Le droit de l’Union européenne est lui aussi sensible à l’exigence de sécurité publique comme limite au droit de l’Union en général[22], et aux règles de libre circulation en particulier. Il s’agit d’une justification qui peut être invoquée par un État aux fins de limiter la portée, voire de donner un coup d’arrêt à la libre circulation des marchandises, des services et des capitaux, sur le fondement du droit originaire[23], du droit dérivé[24] ou sur celui des théories des exigences impératives / raisons impérieuses. Le domaine de la libre circulation des personnes n’échappe pas, lui non plus, à la fameuse « réserve d’ordre public ». Aussi, la directive 2004/38 prévoit-elle, à l’article 30, paragraphe 2, que des motifs touchant à la « sûreté de l’État » peuvent s’opposer à la divulgation d’une décision limitant le droit d’entrée et de séjour d’un citoyen européen. Cette faculté est compensée par l’obligation à la charge des États membres de prévoir, dans leur ordre juridique interne, en application de l’article 31 de la même directive, des garanties juridictionnelles et notamment un accès aux voies de droit. L’article 30, paragraphe 2 n’étant qu’une dérogation, celle-ci doit donc faire l’objet d’une interprétation stricte.

Il était possible, aux fins de répondre à la question, de suivre deux chemins interprétatifs différents. Le juge pouvait, comme ne le lui demandait pas la question préjudicielle mais comme le commandait la logique de protection des droits fondamentaux, interpréter cette dérogation à la lumière de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux relatif au droit à un recours juridictionnel effectif. Il pouvait également, comme l’y incitait la question préjudicielle et comme le proposait l’avocat général, s’inspirer non seulement de l’article 47 de la Charte mais également de l’article 346, TFUE, ce qui le conduisait nécessairement à opter pour une analyse plus compréhensive à l’égard de la politique antiterroriste des États membres. La Cour a choisi le premier des deux chemins en insistant davantage sur l’exigence d’effectivité du contrôle juridictionnel. Elle souligne l’importance, pour le justiciable, de connaître les motifs précis et complets[25] sur lesquels se fondent la décision attaquée mais également pour le juge, car leur communication met « ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision nationale en cause »[26].

Au total, la Cour reconnaît que « des considérations impérieuses liées à la sûreté de l’État »[27] peuvent justifier une pondération de l’obligation de divulgation, qu’à partir du moment où cette limite des garanties apportées à l’article 47 de la Charte sont proportionnelles, nécessaires et répondent à des objectifs d’intérêt général conformément à l’article 52, paragraphe 1 de la Charte.

Le droit de l’Union européenne, comme celui de la convention EDH, consacrent donc une faculté de dissimulation à l’adresse des États membres. L’apport essentiel de l’arrêt ZZ réside dans le degré de contrôle, par le juge, de cette faculté de dissimulation.

III. L’étendue de la faculté de dissimulation

La Cour de justice subordonne la faculté de dissimuler des informations au requérant à la condition qu’il existe un contrôle juridictionnel (A) et que soit maintenu une divulgation minimale (B). 

A. Le principe du contrôle juridictionnel

Le fait de fonder une décision de nature juridictionnelle sur des éléments factuels dont il n’aurait pas été fait état au demandeur constitue en principe une violation du droit à un recours juridictionnel effectif. Une limitation de la communication de telles informations est cependant conforme au droit de l’Union dans l’hypothèse où deux conditions sont réunies. En premier lieu, les États membres doivent instaurer « un contrôle juridictionnel effectif tant de l’existence et du bien-fondé des raisons invoquées par l’autorité nationale au regard de la sûreté de l’État que de la légalité de la décision prise en application de l’article 27 de la directive 2004/38 »[28]. En deuxième lieu, les techniques de contrôle du juge doivent répondre à diverses exigences. Au nombre de celles-ci figure, notamment, la possibilité pour le juge national d’être en mesure d’examiner les éléments de faits justifiants la décision de l’autorité nationale afin qu’il vérifie s’il existe des raisons s’opposant à la divulgation. En outre, du point de vue de la charge de la preuve, c’est aux pouvoirs publics qu’il incombe de démontrer que la communication au demandeur des informations en causes nuirait fortement à la sûreté de l’État[29].

En d’autres termes, dès lors que des considérations tirées de la sécurité nationale s’opposent à ce que l’autorité nationale compétente communique les motifs précis et complets justifiant l’interdiction d’accès au territoire national, il appartient au juge national d’en vérifier la réalité. S’il s’avère que le juge conclut à ce que la sûreté de l’État ne s’y oppose pas, il doit alors donner « la possibilité à l’autorité nationale compétente de communiquer à l’intéressé les motifs et les éléments de preuve manquants »[30]. Si celle-ci refuse, alors le droit de l’Union exige simplement que le juge « procède à l’examen de la légalité d’une telle décision sur la base des seuls motifs et éléments de preuve qui ont été communiqués »[31]. L’alternative est donc périlleuse pour l’autorité nationale : soit elle décide de divulguer les informations requises et le juge national exercera pleinement son contrôle, soit elle s’y refuse malgré la décision du juge, mais dans ce cas, ce dernier ne pourra se prononcer qu’au vu des éléments (lacunaires) qui auront été communiqués. Dans cette dernière situation, il est fort probable que le juge national annule la décision litigieuse pour insuffisance de motifs.

Dans le cas où la sécurité de l’État s’oppose légitimement à la divulgation des informations requises, cela ne signifie pas pour autant, comme le préconisait l’avocat général, que le droit de l’Union confère un blanc-seing à l’appareil répressif de l’État en charge de la lutte contre le terrorisme. Une divulgation minimale est requise.

B. Le principe d’une divulgation minimale

L’avocat général Yves Bot concluait qu’un État membre pouvait refuser au justiciable, dans des cas exceptionnels et sous contrôle du juge national, l’accès aux motifs de sécurité publique « que ce soit de façon détaillée ou sous la forme d’un résumé, dès lors que le droit procédural national comporte des techniques permettant de concilier, d’une part, les soucis légitimes de sécurité quant à la nature et aux sources de renseignements ayant été pris en considération pour l’adoption de la décision concernée et, d’autre part, la nécessité d’accorder à suffisance au justiciable le bénéfice des règles de procédure »[32]. La Cour de justice sera bien plus mesurée. Elle exige en effet que le principe du droit à une protection juridictionnelle effective impose au droit national que celui-ci garantisse, de la façon la plus large possible, le principe du contradictoire. Partant, « il importe que soit communiquée à l’intéressé, en tout état de cause, la substance des motifs sur lesquels est fondée une décision de refus d’entrée prise en application de l’article 27 de la directive 2004/38, la protection nécessaire de la sûreté de l’État ne pouvant avoir pour effet de priver l’intéressé de son droit d’être entendu et, partant, de rendre ineffectif son droit de recours tel que prévu à l’article 31 de cette directive »[33]. Il existe donc un seuil minimal en deçà duquel le principe posé à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux sera automatiquement violé. On ne peut, dans une Union de droit, tolérer que les personnes intéressées ne puissent pas avoir ne serait-ce qu’une vague idée des raisons qui ont justifié la mesure d’éloignement. La Cour nuance cependant assez rapidement cette position de principe. La pondération de l’obligation de divulgation laisse libre l’autorité nationale de dissimuler « les éléments de preuve à la base des motifs produits devant le juge national compétent ». Une totale transparence risquerait en effet de mettre en difficulté les agents de l’État qui ont réussi à trouver de telles informations et pourrait même les compromettre ou mettre leur vie en danger.

Ces utiles précisions apportées par la Cour suscitent trois observations. Tout d’abord, le niveau de protection des droits fondamentaux est en cohérence avec celui de la Cour EDH, tel que, notamment, dégagé dans l’arrêt A et autres[34]. Ensuite, il s’agit de la première fois que la Cour de justice se prononce sur la fameuse SIAC et condamne, implicitement, une partie de ses règles procédurales. Enfin, on ne peut s’empêcher de croire que la distinction établie par la Cour, entre la « substance des motifs » et les « éléments de preuve à la base des motifs » ne deviendront pas les nouveaux points de crispation du contentieux relatif à la lutte contre le terrorisme. Un certain flottement jurisprudentiel est peut-être à prévoir dans les premiers temps d’application de cette distinction. L’attachement du juge de l’Union à celle-ci est pourtant manifeste, puisqu’il vient de s’y référer dans son arrêt Kadi II en date du 18 juillet 2013[35]. Un arrêt qui fera sans aucuns doutes l’objet d’un commentaire JADE.

Notes de bas de page