Concurrence et fiscalité

Nouveau projet de règlement général d'exemption par catégorie de la Commission : la reconnaissance a priori du caractère non problématique de certaines aides d’état aux ports et aéroports

Projet de règlement modifiant le règlement (UE) n°651/2014 de la Commission déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du Traité.

La modernisation de la politique de l’Union européenne en matière d’aides d’Etat, lancée en 2012 dans le cadre de la stratégie Europe 2020[1], vise à mieux cadrer l’action de contrôle des aides d’Etat menée par la Commission européenne[2]. L’objectif est à la fois d’optimiser la qualité et le coût de cette action, et de favoriser l’allocation d’aides non problématiques[3], qui contribuent à un marché unique plus dynamique et plus concurrentiel. Pour ce faire, il convient notamment de limiter le contrôle de la Commission aux seuls cas problématiques, l’examen de cas non problématiques représentant in fine une perte de temps. Or en principe, la Commission mène un contrôle global : tout projet d’aide[4] doit lui être notifié de manière préalable[5] et se trouve ainsi soumis à son contrôle avant même d’être mis en œuvre afin, précisément, de déterminer s’il est ou non problématique – c’est-à-dire compatible avec le marché intérieur. L’expérience ayant fait émerger certaines catégories d’aides non problématiques, l’idée de restreindre le champ d’application de l’obligation de notification préalable s’est imposée. Pour ne pas alourdir inutilement la charge de travail de la Commission et afin de polariser l’attention de celle-ci sur les cas problématiques, le Conseil peut déterminer les catégories d’aides dont elle n’aura pas à connaître a priori[6]. Le cas échéant, il revient ensuite à la Commission de fixer par voie de règlement[7] la compatibilité de ces catégories d’aides avec le marché intérieur en prévoyant l’exemption, concernant celles-ci, de l’obligation de notification préalable[8].

Dans ce cadre, la Commission vient d’élaborer un projet de règlement[9] modifiant le règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) actuel[10], qu’elle soumet pour commentaire aux parties prenantes. La première consultation publique, ouverte le 7 mars 2016, prendra fin très prochainement, le 30 mai 2016[11]. L’objectif de ce texte est d’étendre le champ d’application du RGEC aux ports et aéroports, « infrastructures essentielles pour la croissance économique et le développement régional »[12]. Le projet de règlement vise, en facilitant le soutien financier à certains aéroports, à favoriser l’accessibilité de certaines régions et le développement local[13]. Les ports maritimes sont quant à eux importants pour le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale et le bon fonctionnement du marché intérieur[14]. Après 33 décisions en matière d’aides d’Etat dans le secteur portuaire et 54 dans le secteur aéroportuaire, la Commission répond présente au rendez-vous qu’elle s’était elle-même fixé lors de l’adoption du précédent RGEC[15] : elle est désormais en mesure de soumettre à la discussion des critères d’exemption à l’obligation de notification[16] pour les ports et aéroports, et d’offrir ainsi une plus grande sécurité juridique aux parties intéressées[17].

Dans le domaine aéroportuaire, c’est ainsi à une codification des lignes directrices du 20 février 2014[18] que procède la Commission. Le projet de règlement prévoit d’étendre le champ d’application de l’actuel RGEC aux « aéroports régionaux »[19] enregistrant un trafic annuel maximal de 3 millions de passagers[20] ou de 200 000 tonnes de fret[21]. Ces seuils seront certainement très discutés par les parties prenantes durant les consultations publiques en cours et à venir car ils tracent[22] une frontière entre les aéroports pouvant a priori bénéficier d’une aide et les autres. Cela dit, il n’est pas certain que la marge de manœuvre soit très grande en la matière, le texte semblant clair sur ce point. Outre la taille de l’aéroport, son environnement modal décide de l’applicabilité du règlement[23], sauf pour les très petits aéroports[24]. Par ailleurs, s’il ne constitue pas le premier critère d’applicabilité du nouveau règlement, un critère matériel est prévu, tenant à la nature et au montant de l’aide. Pour autant que le bénéficiaire entre dans le champ d’application du nouveau règlement, seule serait compatible avec le marché intérieur une aide à l’investissement dans les infrastructures aéroportuaires[25] dont le montant ne dépasse pas certains seuils, fonction de l’intensité du trafic[26] et de la localisation de l’aéroport[27]. De manière classique, le projet de règlement prévoit le respect des principes de proportionnalité[28] et de nécessité[29] – le rendement futur pouvant être pris en compte à ce titre[30]. Afin d’éviter qu’une aide non problématique ne se transforme, par transfert à un bénéficiaire non visé par le nouveau règlement, en aide problématique, la Commission prévoit un encadrement plus strict pour l’allocation d’une aide à un aéroport dont l’usage est réservé à un usager en particulier[31]. Par ailleurs, le projet de règlement pose le principe de l’accessibilité de l’aéroport à tous les usagers potentiels[32].

Dans le domaine portuaire, le critère d’applicabilité du nouveau règlement d’exemption est, aussi bien pour les ports maritimes que pour les ports intérieurs, relatif à la nature et à l’intensité de l’aide : sont a priori compatibles avec le marché intérieur et non soumises à l’obligation de notification les aides à l’investissement aux ports[33] liées au transport[34] qui sont proportionnées et ne dépassent donc pas un certain montant[35], fonction de la localisation du port pour les ports maritimes[36]. Le cadre prévu pour l’investissement dans les ports intérieurs est particulièrement favorable puisqu’il suffit que l’aide n’excède pas 100% des coûts admissibles pour que le règlement trouve à s’appliquer[37]. Ces limites d’intensité d’aide constituent évidemment le cœur des consultations en cours et à venir[38] ; il semble toutefois possible de considérer que le schéma dégressif adopté pour les ports maritimes – plus les coûts admissibles sont élevés, moins l’aide admissible est élevée – sera conservé. Il répond à une logique de préservation du jeu de la concurrence, l’idée étant que le risque de distorsion de la concurrence croît avec l’intensité de l’aide[39]. Pour les ports intérieurs, il est à prévoir que la structure du cadre financier sera également préservée, à savoir un cadre unique fixant un plafond d’aide. Le projet de règlement rappelle l’applicabilité aux ports, entités adjudicatrices, des règles de l’Union relatives aux marchés publics en cas de concession ou autre mandat – d’une durée limitée à 30 ans – confiant à un tiers la réalisation des travaux pouvant bénéficier d’une aide[40]. Là encore, l’idée est d’éviter le transfert d’une aide non problématique à un bénéficiaire non visé par le règlement, qui rendrait l’aide problématique. Le principe de l’accessibilité du port à tous les usagers potentiels est également posé – l’utilisation de l’infrastructure étant rémunérée au « prix du marché »[41].

Le projet de règlement contient en outre des précisions et modifications de dispositions du règlement actuel relatives aux aides au fonctionnement à finalité régionale en faveur des régions ultrapériphériques et aux aides – à l’investissement et au fonctionnement – en faveur de la culture et de la conservation du patrimoine. En raison de leur effet négatif limité sur la concurrence, ces dernières devraient être plus largement couvertes par le nouveau règlement par l’effet de l’augmentation des seuils de notification applicables aux aides dans ces domaines[42]. Les aides au fonctionnement à finalité régionale en faveur des régions ultrapériphériques devraient être insérées par exception dans le champ d’application du nouveau règlement lorsqu’elles bénéficient au secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles[43] ou aux entreprises en difficulté[44].

Notes de bas de page

  • COM (2010) 2020 final, Communication de la Commission – Europe 2020 Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, 03/03/2010.
  • COM (2012) 209 final, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Modernisation de la politique de l’UE en matière d’aides d’Etat, 08/05/2012 ; les aides d’Etat sont en principe interdites (articles 107§1 et 108§§ 1, 2 et 3 TFUE).
  • Par exception, certaines aides peuvent être reconnues comme étant compatibles avec le marché intérieur (article 107§§2 et 3 TFUE).
  • Les financements publics qui sont a priori constitutifs d’aides d’Etat au sens de l’article 107§1 TFUE.
  • Conformément à l’article 108§3 TFUE.
  • Conformément à l’article 109 TFUE.
  • Conformément à l’article 108§4 TFUE.
  • Les projets d’aides doivent alors simplement être communiqués à la Commission et peuvent être mis en œuvre rapidement : article 7 du projet de règlement modifiant l’article 12 du règlement actuel.
  • Et de l’inscrire à l’agenda REFIT, Programme pour une « réglementation affûtée et performante » : COM (2012) 746 final, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Pour une réglementation de l’UE bien affûtée, 12/12/2012.
  • Règlement (UE) n°651/2014 du 17/06/2014 de la Commission déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, JOUE du 26/06/2014, L 187, pp.1-78.
  • Une deuxième consultation publique, avant adoption du texte final, est prévue à l’automne 2016 : Commission, Communiqué de presse du 07/03/2016, IP/16/622.
  • VESTAGER Margrethe, Commissaire chargée de la politique de concurrence dans : Commission, Communiqué de presse du 07/03/2016, IP/16/622.
  • 3ème considérant du projet de règlement.
  • 5ème considérant du projet de règlement qui cite la stratégie Europe 2020 et la communication de la Commission intitulée « Les ports : un moteur pour la croissance », COM (2013) 295 du 23/05/2013.
  • « [La] Commission envisage d’établir des critères applicables aux infrastructures portuaires et aéroportuaires d’ici décembre 2015. » : 1er considérant du règlement (UE) n°651/2014 du 17/06/2014 de la Commission déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, JOUE du 26/06/2014, L 187, pp.1-78 ; nous soulignons.
  • Prévue à l’article 108§3 TFUE.
  • 2ème considérant du projet de règlement : « La Commission s’est maintenant constitué l’expérience nécessaire en matière décisionnelle. Afin de simplifier et de clarifier les règles en matière d’aides d’État, de réduire la charge administrative et de permettre à la Commission de se concentrer sur les cas les plus susceptibles de fausser la concurrence, il y a lieu que les aides en faveur des infrastructures portuaires et aéroportuaires relèvent du champ d’application du règlement nº 651/2014. ».
  • Communication de la Commission – Lignes directrices sur les aides d’Etat aux aéroports et aux compagnies aériennes, JOUE du 04/04/2014, C 99, pp.3-34.
  • Article 1er point a) du projet de règlement : ajout d’un point « m) aux aides aux aéroports régionaux » à l’article 1er du règlement actuel ; article 17 du projet de règlement : dans une nouvelle section 14 intitulée « Aides aux aéroports régionaux », ajout d’un article 56 bis intitulé « Aides à l’investissement en faveur des aéroports régionaux » au règlement actuel.
  • Article 17 du projet de règlement : nouvel article 56 bis §5.
  • Article 17 du projet de règlement : nouvel article 56 bis §6.
  • Au sein de l’Union européenne, champ spatial d’application du Droit des aides d’Etat et de son principe d’interdiction de ces dernières.
  • Article 17 du projet de règlement : nouvel article 56 bis §4.
  • Article 17 du projet de règlement : nouvel article 56 bis §7.
  • Article 17 du projet de règlement : nouvel article 56 bis §10.
  • Article 17 du projet de règlement : nouvel article 56 bis §11.
  • Article 17 du projet de règlement : nouvel article 56 bis §12.
  • Article 17 du projet de règlement : nouvel article 56 bis §§9 et 11.
  • Article 17 du projet de règlement : nouvel article 56 bis §8.
  • Article 17 du projet de règlement : nouvel article 56 bis §2 ; voir Commission, Communiqué de presse du 07/03/2016, IP/16/622 ; cf. la possibilité admise dans les lignes directrices de « prévoir que les bénéfices futurs pourraient compenser les pertes initiales sur la durée des accords » : notes de bas de page n°°63 et 85 pp.15 et 21, Communication de la Commission – Lignes directrices sur les aides d’Etat aux aéroports et aux compagnies aériennes, JOUE du 04/04/2014, C 99, pp.3-34.
  • Article 17 du projet de règlement : nouvel article 56 bis §3 : « « En cas de limitation des capacités, l’aide est allouée sur la base de critères pertinents, objectifs, transparents et non discriminatoires ».
  • Article 17 du projet de règlement : nouvel article 56 bis §3.
  • Article 1er point a) du projet de règlement : ajout d’un point « n) aux aides aux ports » à l’article 1er du règlement actuel ; article 17 du projet de règlement : dans une nouvelle section 15 intitulée « Aides en faveur des ports », ajout d’un article 56 ter intitulé « Aides à l’investissement en faveur des ports maritimes » et d’un article 56 quater intitulé « Aides à l’investissement en faveur des ports intérieurs » au règlement actuel.
  • Article 17 du projet de règlement : dans la nouvelle section 15 intitulée « Aides en faveur des ports », voir le nouvel article 56 ter, relatif aux ports maritimes, §§1 et 2, et le nouvel article 56 quater, relatif aux ports intérieurs, §§1 et 2.
  • Article 17 du projet de règlement : dans la nouvelle section 15 intitulée « Aides en faveur des ports », voir le nouvel article 56 ter, relatif aux ports maritimes, §§3 et 4, et le nouvel article 56 quater, relatif aux ports intérieurs, §§3 et 4.
  • Article 17 du projet de règlement : dans la nouvelle section 15 intitulée « Aides en faveur des ports », voir le nouvel article 56 ter, relatif aux ports maritimes, §5.
  • Sous réserve que les autres conditions, qui sont les mêmes que pour les ports maritimes, soient remplies.
  • Est également soumise à discussion la durée de trois ans, à compter du début des travaux, au cours de laquelle les investissements dans un même port soutenus par différentes aides forment un projet d’investissement unique (article 17 du projet de règlement : dans la nouvelle section 15 intitulée « Aides en faveur des ports », voir le nouvel article 56 ter, relatif aux ports maritimes, §6, et le nouvel article 56quater, relatif aux ports intérieurs, §5).
  • Ou, dans le secteur aéroportuaire, avec le poids économique du bénéficiaire.
  • Article 17 du projet de règlement : dans la nouvelle section 15 intitulée « Aides en faveur des ports », voir le nouvel article 56 ter, relatif aux ports maritimes, §7, et le nouvel article 56 quater, relatif aux ports intérieurs, §6.
  • Article 17 du projet de règlement : dans la nouvelle section 15 intitulée « Aides en faveur des ports », voir le nouvel article 56 ter, relatif aux ports maritimes, §8, et le nouvel article 56 quater, relatif aux ports intérieurs, §7.
  • 10ème considérant du projet de règlement ; l’article 3ai du projet de règlement prévoit la modification de l’article 4§1z du règlement actuel : les seuils au-delà desquels l’obligation de notifier s’applique sont relevés respectivement de 100 à 150 millions € et de 50 à 75 millions € pour les aides à l’investissement et les aides au fonctionnement dans ces domaines ; en parallèle, la réécriture de la définition de la notion d’« aide au fonctionnement à finalité régionale » devrait participer à l’extension du champ d’application du règlement actuel : article 2a du projet de règlement – modification de l’article 2, point 42 du règlement actuel.
  • Article 1b du projet de règlement qui modifie l’article 1§3c du règlement actuel.
  • « Pour autant que ces régimes [d’aides] ne traitent pas les entreprises en difficulté plus favorablement que les autres entreprises. » : article 1c du projet de règlement qui modifie l’article 1§4c du règlement actuel.