Différends, conflictualités, contentieux

Aux confins de l’interprétation conforme au droit international, le sens du silence du droit de l’Union européenne Remarques sur les conclusions de l’avocate générale Ćapeta au sujet de l’affaire Kaikai Company (C-382/21 P, ECLI:EU:C:2023:576)

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L’affaire Kaikai est le produit d’un désaccord entre l’entreprise Kaikai et la chambre des recours de l’EUIPO (Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle) au sujet du délai de priorité offert à une entreprise pour enregistrer un brevet communautaire. L’EUIPO s’est fondée sur l’article 41 du règlement n°6/2002[1] pour limiter à 6 mois ce délai de priorité, dépassé in casu, alors que Kaikai soutenait qu’en vertu du droit international de la propriété intellectuelle, et plus particulièrement la convention de Paris[2], ce délai devait être étendu à 12 mois à compter du premier dépôt de modèle dans un État membre du traité de coopération en matière de brevet[3]. La chambre des recours EUIPO a validé l’approche de l’EUIPO de sorte que l’entreprise Kaikai n’a pas pu déposer son modèle communautaire, le délai de priorité de 6 mois ayant été épuisé[4]. Kaikai a alors introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision de la chambre des recours EUIPO devant le tribunal de l’Union européenne qui a validé la position de l’entreprise requérante[5], et par conséquent annulé la décision de la chambre des recours.

Dans cet arrêt, le Tribunal de l’Union a pris en considération la convention de Paris sur la propriété industrielle pour préciser le délai de priorité pour une demande de modèle communautaire découlant d’une demande internationale de brevet déposée au titre du traité de coopération en matière de brevet. Le Tribunal a pris acte du fait qu’au contraire de la convention de Paris, le règlement n°6/2002 sur la propriété industrielle est lacunaire en ce qu’il ne prévoit pas la situation dans laquelle une demande de dessin ou modèle est déposée en revendiquant un droit de priorité fondé sur une demande antérieure de brevet, et ne régit par conséquent pas non plus le délai pour revendiquer la priorité dans cette situation[6]. De ce fait, la prise en considération de la convention de Paris est opérée pour « combler une lacune »[7] de ce règlement. En d’autres termes, le tribunal a soutenu ne pas avoir être appelé à trancher un conflit de normes au profit du droit conventionnel, mais seulement à lever un silence du droit dérivé de l’Union en l’interprétant à la lumière de la convention de Paris. Dans ce contexte, le silence de l’article 41 dudit règlement au sujet du délai de priorité applicable à cette situation spécifique a été interprété à la lumière de l’article 4 de la convention de Paris qui stipule que ce délai est de 12 mois à compter du dépôt de la première demande de dépôt de brevet. Comme la Cour l’a précédemment fait dans le domaine du droit de l’environnement, dans son arrêt VLK[8], le Tribunal a ainsi poussé les potentialités de la technique de l’interprétation conforme dans ses ultimes retranchements, en s’appuyant sur un prétendu silence du droit interne pour introduire dans ce dernier une règle véhiculée par le droit international. Un pourvoi a été introduit à l’encontre de cet arrêt par l’EUIPO devant la Cour de justice.

Cette affaire soulève d’importantes questions d’interprétation du droit de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne l’influence que peut produire le droit international sur la détermination de la portée des règles qui le composent. Derrière son aspect technique, l’affaire Kaikai amène à s’interroger sur les limites du constructivisme des interprétations de la Cour de justice de l’Union européenne. Le problème théorique auquel la Cour de justice est appelée résoudre peut être formulé en ces termes : lorsque la Cour interprète le silence d’une norme x au sujet d’un objet particulier à la lumière d’une norme y pour déterminer la règle à laquelle cet objet est assujettie, interprète-t-elle véritablement, comme elle l’affirme, la norme x, ou n’applique-t-elle pas plutôt en réalité la norme ?

La fondamentalité de ces interrogations explique que l’avocate générale Ćapeta se soit vue confier la tâche de soumettre à la Cour de justice des conclusions au sujet desquelles il sera ici apporté quelques observations. Celles-ci se concentreront sur les développements stimulants qui y sont dédiés à la question de l’influence du droit conventionnel international sur le droit de l’Union européenne. L’avocate générale y développe une analyse critique du raisonnement du Tribunal, qui prétendait pourtant s’inscrire dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de justice relative à l’interprétation du droit de l’Union conforme au droit international. Ses conclusions questionnent ainsi les fondements de l’obligation d’interprétation conforme aux accords internationaux (1), l’absence de subordination de l’invocabilité d’interprétation à l’effet direct (2) ainsi que le constructivisme de cette méthode d’interprétation (3). En somme, l’avocate générale considère que l’interprétation conforme doit être employée avec davantage de retenue dans l’hypothèse où la norme de droit de l’Union à interpréter est lacunaire, pour ne pas parvenir à une situation dans laquelle l’usage de cette technique d’interprétation conduit à un résultat équivalent à celui découlant d’une application directe de la règle internationale employée comme référentiel d’interprétation. Ces réserves à l’égard du raisonnement mené dans l’arrêt du tribunal expliquent que l’avocate générale Ćapeta ait proposé à la Cour de l’annuler. Selon elle, c’est ainsi à bon droit que la chambre des recours de l’EUIPO avait jugé que l’entreprise Kaikai Company ne pouvait se fonder sur la convention de Paris pour proroger son délai de priorité d’enregistrement d’une marque communautaire au-delà des six mois prévus par le règlement n°6/2002. La Cour de justice a du reste partiellement suivi ces conclusions dans son arrêt EUIPO contre Kaikai Company prononcé le 27 février 2024 et annulé l’arrêt du tribunal[9].

1.Retour sur les fondements de l’obligation d’interprétation conforme

1.1.La primauté comme fondement de l’interprétation du droit de l’Union en conformité aux accords conclus par l’Union

L’obligation d’interprétation du droit des États membres conforme au droit de l’Union (ci-après l’interprétation conforme interne) et l’obligation d’interprétation du droit de l’Union conforme aux accords internationaux (ci-après l’interprétation conforme externe) ne partagent pas un fondement juridique identique. En effet, l’obligation d’interprétation conforme interne puise son fondement dans l’article 4, paragraphe 3 du TUE[10] imposant le respect du principe de coopération loyale, tandis que l’obligation d’interprétation conforme externe trouve son fondement dans l’article 216, alinéa 2 du TFUE consacrant la primauté du droit conventionnel sur les actes législatifs de l’Union.

L’avocate générale Ćapeta a proposé quelques observations surprenantes au sujet de cette distinction de fondement, soutenant notamment que « [m]ême si, selon l’article 216, paragraphe 2, TFUE ou le principe international pacta sunt servanda, l’Union est liée par ses obligations internationales, cela ne repose pas sur la même obligation de loyauté de nature constitutionnelle, qui existe pour les États membres conformément à l’article 4, paragraphe 3, TUE »[11]. Partant, elle a soutenu que cette distinction de base juridique « peut justifier de considérer que l’obligation d’interprétation conforme du droit de l’Union avec les accords internationaux a une portée moindre »[12]. L’obligation d’interprétation conforme interne incite les juridictions internes à se montrer très « créatives pour atteindre le résultat visé » par les règles de droit de l’Union européenne, ce qui peut notamment leur imposer d’opérer un revirement de jurisprudence[13] ou de combler une lacune législative[14]. Selon l’avocate générale, tel ne devrait pas être le cas dans le cadre de l’interprétation conforme externe.

Cette position nous apparaît quelque peu contestable. Elle s’appuie sur la « nature constitutionnelle » du devoir de loyauté fondant l’obligation d’interprétation conforme interne pour justifier l’usage constructif qui doit être fait de cette dernière. L’avocate générale semble de la sorte négliger le fait que l’obligation pesant sur l’Union européenne et les États membres de respecter le droit conventionnel liant l’Union revêt également une nature constitutionnelle. Elle découle en effet de l’article 216, alinéa 2 du TFUE qui n’est rien d’autre qu’une règle de droit constitutionnel de l’Union. Pour parvenir à une conclusion contraire, il serait nécessaire de soutenir que seules certaines dispositions choisies au sein du droit primaire, telle que l’article 4, paragraphe 3 du TUE, jouirait d’une véritable nature constitutionnelle. Or, la jurisprudence de la Cour n’a jamais développé une telle logique de sélectivité au sujet de la nature constitutionnelle des règles issues du droit primaire. Le fameux considérant de principe selon lequel « les traités fondateurs […] constituent la Charte constitutionnelle de base de l’Union »[15] emporte en effet pour conséquence que l’ensemble des dispositions qui en sont issus, parmi lesquelles l’article 216, alinéa 2 du TFUE, ont une nature constitutionnelle.

Ensuite, il convient de relever que la convention de Paris est un accord non conclu par l’Union, de sorte que l’article 216, alinéa 2 du TFUE ne constitue pas le principal fondement de l’obligation d’interpréter le droit de l’Union européenne à sa lumière. Ce fondement tient en effet dans le renvoi opéré à cette convention par un instrument juridique de l’Union, l’accord ADPIC, conclu pour sa part par l’Union européenne et formant comme tel partie intégrante de son droit[16].

1.2. Le renvoi textuel comme fondement de l’interprétation du droit de l'Union conforme accords non conclus par l’Union

Dans le domaine du droit de la propriété intellectuelle, certains accords internationaux conclus par l’Union contiennent des renvois textuels à des accords internationaux non conclus par l’Union européenne, ce qui conduit la Cour à interpréter le droit de l’Union à la lumière des seconds. Ce sont donc régulièrement des renvois conventionnels, et non des renvois contenus dans le droit primaire ou le droit dérivé comme cela peut être le cas dans d’autres domaines, qui fondent la pratique de l’interprétation conforme[17]. Comme l’a relevé le Tribunal de l’Union dans l’arrêt KaiKai, « même si l’Union n’est pas partie contractante à une convention internationale conclue par ses États membres [en l’espèce la convention de Paris], mais qu’elle est tenue, en vertu d’un traité international auquel elle est partie [en l’espèce l’ADPIC], de ne pas entraver les obligations des États membres au titre de cette convention, les notions contenues dans l’acte de droit dérivé de l’Union doivent être interprétées de telle manière qu’elles demeurent compatibles avec ladite convention et ledit traité »[18]. C’est une singularité de l’interprétation conforme intervenant dans ce domaine qui la différencie de celle qui est pratiquée dans les nombreux autres champs dans lesquels les renvois sont plus fréquemment de contenus dans le droit primaire[19] ou dérivé[20].

La prise en considération par le Tribunal de l’Union de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle[21], non conclue par l’Union, pour déterminer l’interprétation pertinente de l’article 41 du règlement n°6/2002 sur la propriété industrielle[22] a ainsi été la conséquence du renvoi ut singuli de l’accord ADPIC à cette convention. Le Tribunal de l’Union a en effet jugé qu’en tant que « partie à l’accord ADPIC, [l’Union] est tenue d’interpréter sa législation sur la propriété intellectuelle, dans la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité dudit accord. Or, l’article 2, paragraphe 1, de l’accord ADPIC prévoit que, pour ce qui est des parties II, III et IV de cet accord, les États parties se conformeront aux articles 1er à 12 et 19 de la convention de Paris », ce qui induit que le droit de l’Union doit être interprété conformément à ces dispositions[23]. Un raisonnement équivalent avait précédemment été développé lors de l’arrêt RAAP dans le domaine des droits voisins du droit d’auteur[24]. L’existence d’un renvoi au sein du Traité sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, conclu par l’Union, à la Convention de Rome sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion, à laquelle seuls les États membres participent, a également été soulignée pour lier leur interprétation, avant d’interpréter le la directive 2006/115 sur les droits voisins à leur lumière.

C’est ainsi le renvoi d’un instrument international liant l’Union à un instrument international ne liant pas l’Union qui fonde l’obligation d’interpréter le droit dérivé à la lumière de ce dernier. Il est même possible de soutenir, à la suite de l’avocate générale Ćapeta, qu’en considération du fait que « la convention de Paris est introduite dans le droit de l’Union par l’intermédiaire de l’accord sur les ADPIC »[25], il serait susceptible de produire un effet direct. Ce type de renvoi peut en conséquence a fortiori fonder une obligation d’interprétation conforme. Mais celle-ci ne saurait être subordonnée au contraire de ce que soutient l’avocat générale Ćapeta à l’effet direct de la règle conventionnelle invoquée.

2.La proposition de subordination de l’invocabilité d’interprétation conforme à l’effet direct en présence d’une norme de l’Union lacunaire

2.1.La position de principe de la Cour de justice

L’invocabilité d’interprétation du droit international n’est pas subordonnée à la démonstration préalable de l’effet direct des normes qui le composent. De sorte que la Cour donne suite aux prétentions de requérants tendant à l’interprétation du droit de l’Union (ou du droit d’un État membre) à la lumière de règles de droit international dépourvues d’effet direct[26]. Cela confère à ces dernières la capacité d’entrer dans le débat juridictionnel, par le biais de leur influence interprétative. L’absence de lien entre invocabilité d’interprétation et effet direct s’avère dès lors très bénéfique aux règles de droit conventionnel dans la mesure où une très grande partie de celles-ci sont dépourvues d’un tel effet, en raison de leur indétermination ou du fait qu’elles ne sont pas créatrices de droit. À défaut de pouvoir appliquer directement les très nombreuses stipulations conventionnelles dépourvues d’effet direct liant l’Union, la Cour de justice se trouve en capacité de leur attribuer des effets indirects en injectant leur substance normative dans les règles de droit de l’Union européenne interprétées à leur lumière. De sorte que la solution apportée à un litige sur le fondement d’une règle interne interprétée à la lumière d’une règle conventionnelle peut, dans certaines circonstances, être équivalente à celle qui aurait été adoptée si un effet direct avait été attribuée à cette dernière. Cela a conduit l’avocate général Ćapeta à plaider, dans une telle hypothèse, en faveur d’une subordination de la pratique de l’interprétation conforme à l’effet direct de la règle employée comme référentiel d’interprétation[27].

2.2.L’analogie entre les effets de l’interprétation conforme et de la dévolution de l’effet direct à la règle conventionnelle

Au carrefour des systèmes juridiques international, européen et étatiques, la Cour de justice trouve dans l’interprétation conforme une technique herméneutique permettant de fondre les obligations issues du droit international dans le droit interne de l’Union. La translation normative[28] opérée à l’usage de la technique de l’interprétation conforme présente l’intérêt de dynamiser l’effectivité des normes internationales dans l’ordre juridique de l’Union et de ses États membres. En effet, ce processus de translation normative permet aux normes substantiellement internationales de bénéficier indirectement de la primauté[29] et l’effet direct[30] attachés aux règles de droit de l’Union européenne interprétées à leur lumière. Des effets indirects sont ainsi attribués à de nombreuses règles internationales, dont certaines sont dépourvues d’effet direct, en prenant appui sur le droit interne interprété à sa lumière. Or, cela a été dit, l’attribution d’un effet interprétatif, dit indirect, à une règle de droit peut aboutir au même résultat que la dévolution d’un effet direct à celle-ci lorsque l’interprétation conforme est employée pour combler un vide juridique résultant d’une lacune législative.

Dans une telle circonstance, Tamara Ćapeta a observé que « si la Cour interprète avec succès une réglementation de l’Union en conformité avec un accord international, le résultat revient à donner un effet direct à cet accord »[31]. En l’espèce, rappelons que le règlement n°6/2002 sur la propriété industrielle a été qualifié par le Tribunal de « lacunaire » en ce qu’il ne régit pas le délai de priorité fondé sur une demande antérieure de brevet lorsqu’une demande de dessin ou modèle communautaire est déposée auprès de l’EUIPO[32]. De ce fait, la prise en considération de la convention de Paris, conférant un délai de priorité d’un an dans cette circonstance, est opérée pour « combler une lacune »[33] de ce règlement. Par conséquent, l’avocate générale a considéré « [d]ès lors que la Cour a refusé de reconnaître un effet direct en vue de préserver la marge de manœuvre politique des institutions de l’Union pour s’écarter d’une obligation internationale, les mêmes raisons plaident en faveur d’une renonciation à une interprétation conforme »[34]. Elle poursuit en soulignant que « [s]i une telle obligation d’interpréter dans toute la mesure du possible la réglementation de l’Union dans le même sens que celui requis par un accord international était imposée au juge de l’Union malgré l’exclusion de principe de l’effet direct, cela irait à l’encontre de la finalité de cette exclusion »[35].

Ce raisonnement fondé sur l’équivalence d’effet de l’interprétation conforme et de l’effet direct nous apparaît méconnaître une importante limite à laquelle se heurte l’exercice de l’interprétation conforme, tenant dans l’interdiction de l’interprétation contra legem. La finalité de l’exclusion de l’effet direct est avant tout d’interdire l’invocabilité de substitution, c’est-à-dire l’application directe d’une règle conventionnelle en lieu et place d’une règle de droit « interne » qui lui est contraire. Or, l’interprétation conforme ne saurait permettre de surmonter cette conséquence du défaut d’effet direct dès lors qu’en considération de la prohibition de l’interprétation contra legem, la Cour ne peut conférer à une règle de droit de l’Union un sens contraire à celui qui découle de sa lecture littérale. Cette limite constitue la principale objection à la thèse de l’identité de résultat de l’effet direct et de l’interprétation conforme, dans la mesure où cette identité n’est en réalité possible qu’en l’absence d’antinomie entre les normes en cause, de sorte qu’elle ne peut pas porter atteinte à la marge de manœuvre politique des institutions de l’Union.

Par conséquent, la question de principe à laquelle la Cour était appelée à apporter une réponse ne concernait pas celle de la subordination de l’interprétation conforme à l’effet direct de la norme conventionnelle invoquée, mais bien plutôt celle du périmètre de l’interprétation contra legem. Combler un vide juridique issu d’une lacune d’une règle de droit de l’Union européenne en interprétant cette dernière à la lumière d’une règle internationale revient-il à opérer une interprétation contra legem du droit de l’Union ? Une interprétation constructive du silence d’une règle de droit fondée sur une référence à son environnement normatif constitue-t-elle une violation de cette règle de droit ?[36].

3. L’intensité de l’interprétation conforme et les frontières du contra legem

L’obligation d’interprétation conforme interne impose à « la juridiction nationale […] de donner au droit interne, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux exigences du droit de l’Union »[37]. Une terminologie analogue est employée s’agissant de l’interprétation conforme externe. La Cour a ainsi jugé dans l’arrêt IDA susmentionné que « [l]orsqu’un texte de droit communautaire dérivé exige une interprétation, il doit être interprété, dans la mesure du possible, dans le sens de sa conformité avec les dispositions du traité » liant l’Union européenne[38]. La formulation de l’injonction adressée aux juridictions de l’Union est donc équivalente s’agissant de l’interprétation conforme interne et externe. Le seul élément de distinction réside en effet dans l’usage invariable de l’expression « dans toute la mesure du possible » lorsqu’il est question de l’obligation d’interprétation conforme interne, alors que l’expression « dans la mesure du possible » est souvent préférée lorsqu’est mise en œuvre de l’interprétation conforme externe[39]. Cela étant, certains arrêts font état d’une obligation incombant aux juridictions des États membres d’interpréter « dans toute la mesure du possible » le droit interne à la lumière du droit international conventionnel[40].

L’affaire Kaikai offre une illustration de la pertinence de cette formule dans la mesure où le Tribunal a fait un usage très constructif de la doctrine de l’interprétation conforme au droit international, allant, comme nous l’avons vu, jusqu’à combler des vides juridiques résultant de prétendues lacunes du droit interne en les interprétant à la lumière de règles conventionnelles. Cet usage très constructif du pouvoir d’interprétation du droit de l’Union est contesté, comme en attestent les conclusions de l’avocate générale Ćapeta selon qui « la technique consistant à combler une lacune pourrait plus facilement être qualifié d’interprétation contra legem en l’absence de preuve claire de la volonté du législateur de l’Union de respecter les engagements internationaux de l’Union »[41]. La volonté de préserver de la marge de manœuvre du législateur lorsque celui-ci n’a pas explicitement exprimé sa volonté de se conformer à un engagement international se trouve en effet au cœur du raisonnement de l’avocate générale. En témoigne l’affirmation précitée selon laquelle « [d]ès lors que la Cour a refusé de reconnaître un effet direct en vue de préserver la marge de manœuvre politique des institutions de l’Union pour s’écarter d’une obligation internationale, les mêmes raisons plaident en faveur d’une renonciation à une interprétation conforme »[42]. Cette question fondamentale, liée à la séparation des pouvoirs et à la légitimité du juge pour injecter une norme inspirée du droit international dans une norme législative lacunaire, n’a pas été tranchée par la Cour dans son arrêt prononcé sur pourvoi.

Sans préjuger des suites qui seront données à ces conclusions, il convient, pour conclure, de remarquer que les hypothèses dans lesquelles une interprétation du droit interne est envisagée par la Cour comme étant contra legem sont rares. Combler un vide juridique en interprétant un silence d’une règle de droit interne comme signifiant qu’il véhicule tacitement la règle de droit international à la lumière de laquelle elle est interprétée n’a jusqu’à présent jamais été considéré, dans la jurisprudence de la Cour, comme équivalent à l’opération d’une interprétation contra legem de la règle lacunaire[43]. Il est néanmoins pour cela requis que la norme de droit de l’Union européenne soit considérée comme lacunaire, c’est-à-dire équivoque et non exhaustive. En tout état de cause, une antinomie frontale entre la règle de droit international et la règle de droit interne est requise pour que la Cour considère qu’elle ne peut interpréter la seconde à la lumière de la première[44]. En somme, la réalisation de l’objectif de promotion du respect du droit international, qui contraint au demeurant la Cour de justice au titre de l’article 3, paragraphe 5 du TUE, est favorisée par une jurisprudence conférant au droit international une grande influence herméneutique sur le droit de l’Union européenne. Il conviendra dès lors d’examiner si les arguments de l’avocate générale Ćapeta liés à la préservation de la marge de manœuvre du législateur convaincront la Cour, à l’avenir, de limiter le constructivisme de ses interprétations lorsqu’elle est appelée à interpréter une norme lacunaire.

Addendum : Dans l’arrêt Kaikai Company publié après l’écriture de la présente analyse, la Cour de justice a pris soin de relever qu’« il résulte de manière non équivoque du libellé clair » de l’article 41 du règlement n°6/2002, que ce dernier « ne permet pas de fonder un tel droit [de priorité] sur cette catégorie de demandes antérieures », de sorte qu’il est impossible de l’interpréter, par référence à la convention de Paris, comme fondant un tel droit[45]. En d’autres termes, la Cour de justice a considéré que cet article n’était pas lacunaire et ne comportait pas de vide juridique. Il n’était donc pas possible de compléter cette règle « exhaustive » de droit de l’Union en lui ajoutant un contenu normatif tiré de son interprétation à la lumière d’une règle internationale.

Notes de bas de page

  • Règlement n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, JO L 3, 5 janvier 2002, pp. 1–24.
  • Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, signée à Paris le 20 mars 1883, révisée en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée le 28 septembre 1979, UNTS, vol. 828, n°11851, p. 305
  • Traité de coopération en matière de brevets, signé à Washington, le 19 juin 1970 et modifié en dernier lieu le 3 octobre 2001, UNTS, vol. 1160, no 18336, p. 231.
  • Chambre de recours de l’EUIPO, 13 juin 2019, affaire R 573/20193.
  • TribUE, 14 avril 2021, The KaiKai Company Jaeger Wichmann contre EUIPO, T-579/19, EU:T:2021:186
  • TribUE, 14 avril 2021, The KaiKai Company, préc., pts. 56-57. L’article 41, § 1 dudit règlement dispose que « celui qui a régulièrement déposé une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle ou d’un modèle d’utilité dans ou pour l’un des États parties à la convention de Paris ou à l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, ou son ayant cause, jouit, pour effectuer le dépôt d’une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire pour le même dessin ou modèle ou pour le même modèle d’utilité, d’un droit de priorité pendant un délai de six mois à compter de la date de dépôt de la première demande ». Il n’envisage donc pas l’hypothèse dans laquelle la première demande consistait dans un dépôt de brevet et non de modèle ou de dessin. Au contraire l’article 4, section C, § 1 de la convention de Paris stipule que les délais de priorité « seront de douze mois pour les brevets d’invention et les modèles d’utilité ».
  • Ibid., pt. 66.
  • CJUE, 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (VLK), C-240/09, ECLI:EU:C:2011:125.
  • CJUE, 27 février 2024, EUIPO contre Kaikai Company, C-382/21 P, ECLI:EU:C:2024:172. Il est à noter que si la Cour de justice a bien annulé l’arrêt du tribunal comme le suggérait l’avocate générale Ćapeta, un raisonnement différent a été développé à cette fin. Cet arrêt ne sera pas ici l’objet de commentaires dès lors qu’il a été prononcé à la suite de l’écriture de cette analyse.
  • CJCE, 10 avril 1984, Sabine Von Colson, 14/83, ECLI:EU:C:1984:153, pt 26 ; CJCE, 16 juin 2005, Procédure pénale contre Maria Pupino, C-105/04, ECLI:EU:C:2005:386, pts 42-43.
  • Tamara Ćapeta, 13 juillet 2023, Conclusions sous EUIPO contre KaiKai Company, C-382/21 P, ECLI:EU:C:2023:576, pt. 90.
  • Tamara Ćapeta, 13 juillet 2023, Conclusions sous EUIPO contre KaiKai Company, préc., pt. 91.
  • CJUE, 17 avril 2018, Egenberger, C414/16, EU:C:2018:257, pt. 72 ; CJUE, 5 septembre 2019, Pohotovost, C331/18, EU:C:2019:665, pt. 56 ; CJUE, 28 avril 2022, Phoenix Contact, C-44/21, ECLI:EU:C:2022:309, pt. 52.
  • L’avocate générale renvoie à cet égard à l’arrêt Marleasing. CJUE, 13 novembre 1990, Marleasing, C106/89, EU:C:1990:395, pt. 10.
  • CJUE, 10 décembre 2018, Wightman, C-612/18, ECLI:EU:C:2018:999, pt. 44 ; CJCE, 23 avril 1986, Les Verts contre Parlement, 294/83, EU:C:1986:166, pt. 23.
  • CJCE, 30 avril 1974, Haegeman contre État belge, préc., pt. 5 ; CJCE, 26 octobre 1982, Kupferberg, préc., pt 13 ; CJUE 21 décembre 2011, Air Transport Association of America, C-366/10, ECLI:EU:C:2011:864, pt. 73.
  • Voy. par exemple, CJUE, 15 mars 2012, Societa Consortile Fonografici (SCF) contre Marco Del Corso, C-135/10, ECLI:EU:C:2012:140 ; CJUE, 8 septembre 2020, Recorded Artists Actors Performers contre Phonographic Performance (RAAP), C-265/19, ECLI:EU:C:2020:677.
  • TribUE, 14 avril 2021, KaiKai Company contre EUIPO, T-579/19, ECLI:EU:T:2021:186, pt. 61.
  • L’exemple le mieux connu est l’article 51, paragraphe 3 de la Charte des droits fondamentaux qui impose de conférer aux droits garantis par celle-ci une portée équivalente à celle attribuée à la CEDH.
  • Le renvoi à la convention de Genève opéré en préambule de la directive 2011/95 « qualification » constitue le fondement de l’obligation d’interpréter la seconde à la lumière de la première : CJUE 19 novembre 2020, EZ contre Bundesrepublik Deutschland, C-238/19, ECLI:EU:C:2020:945, pts. 19-20. Dans le champ du droit du travail, le sixième considérant de la directive 2003/88 sur l’aménagement du temps de travail dispose qu’« [i]l convient de tenir compte des principes de l’Organisation internationale du travail en matière d’aménagement du temps de travail, y compris ceux concernant le travail de nuit ». La Cour de justice en a tiré les conséquences en interprétant cette directive à la lumière de que la convention n°132 de l’Organisation internationale du travail concernant les congés annuels payés : CJUE, 20 janvier 2009, Schultz-Hoff, C-350/06, ECLI:EU:C:2009:18, pt. 38 ; CJUE, 4 octobre 2018, Dicu, C12/17, ECLI:EU:C:2018:799, pt. 32 ; précision de la notion de droit au congés annuel payé : CJUE, 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft, C-684/16, ECLI:EU:C:2018:874, pt. 70 ; CJUE, 6 novembre 2018, Bauer, C569/16 et C570/16, ECLI:EU:C:2018:871, pt. 70 ; Précision des délais d’extinction du droit au congés annuel payé : CJUE, 22 novembre 2011, Schulte, C-214/10, ECLI:EU:C:2011:761, pts. 41-42.
  • Convention sur la propriété industrielle, signée à Paris le 20 mars 1883, révisée à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée en dernier lieu le 28 septembre 1979, UNTS, vol. 828, no 11851, p. 305.
  • Règlement du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, JO 2002, L 3, p. 1.
  • TribUE, 14 avril 2021, KaiKai Company contre EUIPO, T-579/19, ECLI:EU:T:2021:186, pt. 60.
  • CJUE, 8 septembre 2020, Recorded Artists Actors Performers contre Phonographic Performance (RAAP), préc.
  • Tamara Ćapeta, 13 juillet 2023, Conclusions sous EUIPO contre KaiKai Company, préc., pt. 69. Voy. dans le même sens, CJUE, 27 février 2024, EUIPO contre Kaikai Company, préc., pt. 59-61.
  • Interprétation du droit de l’Union européenne à la lumière de stipulations conventionnelles dépourvues d’effet direct : CJCE, 26 avril 1972, Interfood GmbH contre Hauptzollamt Hamburg-Ericus, 92/71, ECLI:EU:C:1972:30, pt. 5 ; CJCE, 19 octobre 1989, Hoesch AG et République fédérale d’Allemagne contre Bergrohr GmbH, 142/88, ECLI:EU:C:1989:393, pts. 29-31 ; CJUE, 14 juillet 1998, Bettati, C341/95, ECLI:EU:C:1998:353, pt. 20 ; CJUE, 21 juin 2012, Titus Alexander Jochen Donner, C-5/11, ECLI:EU:C:2012:370, pts. 23-24 ; CJUE, 8 septembre 2020, Recorded Artists Actors Performers contre Phonographic Performance (RAAP), C-265/19, ECLI:EU:C:2020:677, pts. 73-74. Interprétation et examen de validité du droit de l’Union à la lumière de règles coutumières dépourvues d’effet direct : CJUE, 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK, préc., pts. 60-63 ; CJUE, 7 avril 2022, United Airlines, C-561/20, ECLI:EU:C:2022:266, pts. 49-50. Interprétation du droit des États membres à la lumière de stipulations conventionnelles dépourvues d’effet direct : CJCE, 16 juin 1998, Hermès international, préc., pt. 35 ; CJUE, 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (VLK), préc., pts. 51-52 ; CJUE, 15 mars 2012, Societa Consortile Fonografici (SCF) contre Marco Del Corso, C-135/10, ECLI:EU:C:2012:140, pts. 48-52 ; CJUE, 15 mars 2018, North East Pylon, préc., pts. 52-57. Cela affaiblit l’argument développé par la Cour dans l’Avis 1/17, selon lequel les stipulations du CETA évoluent en dehors de l’ordre juridique de l’Union européenne et n’influencent pas l’interprétation de son droit en raison de leur absence d’effet direct : CJUE, 30 avril 2019, Avis 1/17 (RDIE CETA), préc., pt. 77.
  • Tamara Ćapeta, 13 juillet 2023, Conclusions sous EUIPO contre KaiKai Company, C 382/21 P, ECLI:EU:C:2023:576, pts. 73-77.
  • L’expression est communément attribuée à Matthias Guyomar, (Conclusions sous Arcelor, 6 février 2007, n°287110).
  • CJCE, 15 juillet 1964, Costa contre Enel, 6/64, ECLI:EU:C:1964:66.
  • CJCE, 5 février 1963, van Gend & Loos, 26/62, ECLI:EU:C:1963:1.
  • Tamara Ćapeta, 13 juillet 2023, Conclusions sous EUIPO contre KaiKai Company, préc., pt. 73.
  • TribUE, 14 avril 2021, The KaiKai Company, préc., pts. 56-57. L’article 41, § 1 dudit règlement dispose que « celui qui a régulièrement déposé une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle ou d’un modèle d’utilité dans ou pour l’un des États parties à la convention de Paris ou à l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, ou son ayant cause, jouit, pour effectuer le dépôt d’une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire pour le même dessin ou modèle ou pour le même modèle d’utilité, d’un droit de priorité pendant un délai de six mois à compter de la date de dépôt de la première demande ». Il n’envisage donc pas l’hypothèse dans laquelle la première demande consistait dans un dépôt de brevet et non de modèle ou de dessin. Au contraire l’article 4, section C, § 1 de la convention de Paris stipule que les délais de priorité « seront de douze mois pour les brevets d’invention et les modèles d’utilité ».
  • Ibid., pt. 66.
  • Tamara Ćapeta, 13 juillet 2023, Conclusions sous EUIPO contre KaiKai Company, préc., pt. 73. L’avocate générale fait ici référence au défaut d’effet direct de l’ADPIC auquel la convention de Paris est liée en raison du renvoi textuel plus haut présenté.
  • Tamara Ćapeta, 13 juillet 2023, Conclusions sous EUIPO contre KaiKai Company, préc., pt. 75.
  • Addendum : de fait, la Cour de justice n’a finalement pas répondu à ces interrogations en partant du constat qu’au contraire de ce que soutenait le tribunal, l’article 41 du règlement n°6/2002 était exhaustif, non lacunaire, et ne comportait pas de vide juridique susceptible d’être interprété à la lumière de la convention de Paris.
  • CJUE, 14 octobre 2021, Ministerul Lucrărilor Publice contre NE, C-360/20, ECLI:EU:C:2021:856, pt. 34 ; CJUE, 24 juin 2019, Popławski, C573/17, EU:C:2019:530, pt. 55 ; CJUE, 8 novembre 2016, Ognyanov, C554/14, EU:C:2016:835, pt. 59 ; CJUE, 9 décembre 2013, Koushkaki, C84/12, EU:C:2013:862, pts. 75 et 76.
  • CJCE, 10 septembre 1996, Commission contre République Fédérale d’Allemagne (International Dairy Agreement), préc., pt. 52 ; CJUE, 8 septembre 2020, Recorded Artists Actors Performers contre Phonographic Performance (RAAP), préc., pt. 62 ; CJUE, 1er août 2022, Sea Watch, C14/21 et C15/21, ECLI:EU:C:2022:604, pt. 94.
  • Ces expressions sont des références implicites à la prohibition de l’interprétation contra legem, en tant que limite à l’obligation d’interprétation conforme. Voy. en ce sens, Paolo Mengozzi, 15 février 2007, Conclusions sous Řízení, C-335/05, EU:C:2007:103, pt. 58.
  • CJUE, 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie VLK contre Ministerstvo životného prostredia Slovenskej republiky, préc, pt. 50 ; CJUE, 15 mars 2018, North East Pylon, C-470/16, ECLI:EU:C:2018:185, pt. 57.
  • Tamara Ćapeta, 13 juillet 2023, Conclusions sous EUIPO contre KaiKai Company, préc., pt. 91.
  • Ibid., pt. 73. Voy. dans le même sens, les points 62 et 72.
  • Pour deux exemples d’interprétation du droit des États membres lacunaire à la lumière du droit conventionnel international (ici la convention d’Aarhus), voy. CJUE, 8 mars 2011, VLK, préc, ; CJUE, 15 mars 2018, North East Pylon, préc.
  • Voy. par exemple, dans le champ du droit de la propriété intellectuelle, CJUE, 9 février 2012, Luksan, C-277/10, ECLI:EU:C:2012:65, pt. 54 ; dans le champ du droit de l’environnement : TribUE, ord., 17 juillet 2015, EEB contre Commission, T565/14, EU:T:2015:559, pts. 31-33 ; TribUE, 27 septembre 2018, Mellifera contre Commission, T-12/17, ECLI:EU:T:2018:616, pt. 85 ; CJUE, 3 septembre 2020, Mellifera contre Commission européenne, C-784/18 P, ECLI:EU:C:2020:630, pt. 36.
  • CJUE, 27 février 2024, EUIPO contre Kaikai Company, préc., pts. 73-78. En effet,.